L’article qui suit est une analyse d’un éminent professeur à l’Ecole Mohammadia d’Ingénieurs, sur le déroulement du référendum du 1er juillet. Beaucoup ont émis des doutes sur les taux de participation (y compris Benkirane du PJD, mais qui s’est rétracté par la suite), et la science confirme que ces doutes sont bien fondés. L’analyse des taux de participation communiqués par le Ministère de l’Intérieur à intervalles régulières durant la journée du vote, laisse apparaitre une manipulation des chiffres, et une volonté d’arriver à un chiffre bien déterminé à la fin de journée. L’enjeu principal de ce vote étant la participation (puisque le référendum était gagné d’avance), le makhzen avait donc tout intérêt à gonfler ces chiffres pour faire passer le projet de constitution avec un important taux de participation, et prouver que ceux qui appelaient au boycott (le mouvement du 20 février entre autres) est ultra-minoritaire. L’analyse du Pr. Hammouche se base sur l’étude du processus stochastique tel que modélisé pour cette journée de vote. Connaisseurs en la matière, admirez l’oeuvre du makhzen!
La publication de l’évolution du taux de participation au référendum sur la constitution du 1er juillet 2011 a soulevé une polémique quant à la véracité des chiffres de ce taux. L’analyse suivante aborde le débat sur cette question d’un angle scientifique qui tente une lecture de la réalité autre que politique alliant données et modèles objectifs qui cherchent l’abstraction la plus fidèle de la réalité.
Comme le montre le schéma ci-dessous du modèle du processus de vote au référendum constitutionnel, le taux de participation rapporté dans le temps est le taux de service μ et le taux d’affluence des votants est λ. En général, ces deux taux ne sont pas égaux. Par contre, durant la journée du vote, on utilise, les médias en particulier, l’affluence des votants aux bureaux de vote comme indicateur de l’importance de la participation au scrutin : cette participation est d’autant plus importante que les queues des votants devant les bureaux de vote sont longues. Ces queues se forment quand λ > μ . D’ailleurs, certains votants qui arrivent aux bureaux de vote sont découragés par les longues queues et ne votent pas. Dans ce cas (λ > μ), l’hypothèse de constance de μ peut être envisagée. Cette hypothèse traduit le fait que le nombre moyen de votants que le bureau de vote peut traiter par unité de temps est constant. Dans le cas contraire (λ ≤ μ) le votant qui se présente est, en principe, tout de suite servi et il n’y a pas formation de queues. Ceci implique qu’essentiellement le taux de participation est déterminé dans le temps par le taux d’affluence des votants. Or, d’après les médias et les différents témoignages, ou bien on n’a pas constaté des queues devant les bureaux de vote ou ces queues, quand il y en avait, étaient généralement peu importantes. D’ailleurs nous savons tous que nos médias officiels, en particulier notre chaîne TV Al Oula et 2M nous auraient montré, comme preuve de la forte participation, la multitude de ces longues queues, si elles existaient, devant les bureaux de vote. En l’absence de chiffres sur λ et μ minute par minute, je me suis basé, dans mon analyse sur l’indicateur d’affluence des votants et j’ai donc retenu le cas λ ≤ μ. Il est à noter que, même dans le cas λ > μ, les chiffres rapportés officiellement ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux constatés dans la réalité. Tout dépend de la crédibilité de la source de ces chiffres.
En retenant le cas où λ ≤ μ, cas le plus vraisemblable d’après ce qui précède, le taux de participation devrait être résultat d’un processus de vote ALÉATOIRE et donc SA VARIATION DANS LE TEMPS DEVRAIT ÊTRE ALÉATOIRE. Or une analyse de régression linéaire des valeurs du taux de participation au référendum constitutionnel donne les résultats suivants :
Heure (h) Taux particip (T) Taux modélisé
12 26 25,58
14 39 38,4
16 48 51,22
17 60 57,63
19 70,62 70,45
Modèle régression linéaire : T=-51,34+6,41h
Coefficient de régression : R=0,99
Ce modèle montre qu’on est plutôt devant un processus fortement corrélé (R=0,99) et linéaire. Pour que ceci puisse être vrai pour le cas λ ≤ μ, il faudrait que le taux d’arrivée λ des votants aux bureaux de vote soit constant (ici égal à 6,41) ; ce qui présuppose que les votants se mettent d’accord et s’organisent (ou on les organise) pour arriver uniformément (dans le temps et dans l’espace) à ces bureaux. La probabilité qu’on ait ce cas, d’une façon aléatoire, est pratiquement nulle.
Est-ce la magie de l’exception marocaine ?
Amar Hammouche
Professeur à l’Ecole Mohammadia d’Ingénieurs (EMI)
Equipe de recherche IMOSYS
Ingénieur EMI
Ms et PhD Industrial Engineering, USA
Quelques liens :
* Taux de participation communiqués par le ministère de l’intérieur :
* Si vous voulez calculer vous même la régression linéaire des taux de participation