Comment faire décoller la fibre optique au Maroc?

La stratégie Digital Morocco 2030 affiche un objectif très ambitieux pour le Maroc en termes de connectivité à la fibre optique : 4,4 millions de foyers éligibles en 2026 et 5,6 millions en 2030. Ce nombre n’était que de 1,5 millions en 2022, pour 611.000 foyers effectivement connectés à la fibre.

Cet objectif est-il atteignable en l’état actuel du secteur? Peut-être. Mais les entraves sont encore très nombreuses.

Selon les derniers chiffres de l’ANRT, 919.000 foyers étaient connectés à la fibre optique à la fin du T1 2024, avec une progression annuelle moyenne de 57% entre 2020 et 2023. L’ADSL affiche, quant à lui, une quasi stagnation depuis 2020. Ces deux segments d’Internet filaire, ne représentent que 6,6% du parc connecté au Maroc. L’Internet mobile représentant 93% du parc.

Comment peut-on interpréter ces chiffres? De plus en plus de foyers anciennement connectés à l’ADSL optent pour la fibre optique afin d’accompagner l’évolution de leurs besoins de bande passante, notamment pour l’IPTV, le gaming et les visio-conférences accompagnant l’essor du télétravail. En parallèle, certains foyers souhaitant s’équiper d’Internet filaire en complément d’Internet mobile, par souci d’optimisation du budget de la famille et d’accomapagner des usages scolaires ou de divertissement, ne sont pas éligibles à la fibre ou la trouvent encore trop chère. Ceux-ci se tournent malgré eux vers l’ADSL, technologie d’un autre âge, mais permettant d’avoir un volume de data illimité à un budget relativement acceptable.

Comment faire pour atteindre les objectifs de Morocco Digital 2030 dans ces conditions? Les entraves sont, à mon avis, essentiellement de nature réglementaire et concurrentielle.

Commençons par comparer les offres des 3 opérateurs (hors promotions), celles de 20 Mb/s ne pouvant pas être considérées comme des débits de fibre optique.

Un foyer aujourd’hui équipé en ADSL, à un prix généralement situé entre 200 et 250 Dh/mois, et qui souhaite se tourner vers la fibre optique, serait tenté par une offre d’Orange ou d’Inwi à 349 Dh/mois. Problème : ces 2 opérateurs ne couvrent que des zones très limitées et plutôt denses dans les grandes villes. S’il opte pour Maroc Telecom, à la couverture beaucoup plus étendue, il devra débourser minimum 500 Dh/mois, soit au moins le double de ce qu’il paye pour l’offre ADSL. Dans une période de forte inflation et de crise du pouvoir d’achat, peu se tournent finalement vers cette solution.

Mais pourquoi l’offre de Maroc Telecom est aussi chère? Il s’agit d’une obligation de l’ANRT qui ne permet pas à l’opérateur historique de commercialiser son offre de fibre optique à moins de 500 Dh/mois, avec comme objectif de favoriser les 2 autres opérateurs, et d’éviter la situation de quasi-monopole de l’opérateur historique qui a longtemps prévalu dans l’ADSL.

Problème : ça ne marche pas. Orange et Inwi se concentrent sur les zones urbaines les plus denses (et donc les plus rentables). Maroc Telecom qui a une politique d’investissement dans la fibre plus volontariste, est beaucoup plus cher. On se retrouve donc dans un marché où la concurrence est faussée par une décision du régulateur.

Résultat : Un taux de pénétration de la fibre, nettement en deça du potentiel du marché et des objectifs gouvernementaux, en plus de prix pratiqués par les opérateurs marocains nettement plus élevés que ceux pratiqués par des opérateurs européens, qui fournissent des débits jusqu’à 10 fois supérieurs. Il suffit de parcourir des comparatifs français, espagnols, portugais, ou britanniques pour s’en rendre compte.

Source : European Broadband and Operators Benchmark, by Point Topic, Q2 2024. Inclut les offres ADSL, cable et fibre.

Comment remédier à cette situation? Par des leviers essentiellement réglementaires.

D’abord, en levant toute contrainte tarifaire pour les opérateurs et laisser la concurrence libre s’installer entre eux. Il est inconcevable d’obliger un opérateur à commercialiser son offre à un prix minimum, comme cela se fait aujourd’hui.

Ensuite, obliger les opérateurs à partager leur infrastructure en instaurant la mutualisation des réseaux de fibre. Cela aura pour intérêt d’éviter que les clients ne se retrouvent bloqués chez un opérateur, de favoriser la concurrence sur les prix et la qualité de service, mais aussi d’éviter que chacun des opérateurs ne creuse des tranchées pour son propres réseau, comme c’est souvent le cas dans nos villes.

Dernière mesure, et non des moindres : ouvrir le marché de la fibre optique à des opérateurs d’infrastructure comme cela est d’usage dans d’autres pays. Opérateurs spécialisés dans l’installation de réseaux de fibre, ceux-ci les louent ensuite aux opérateurs télécoms qui peuvent y commercialiser les offres qu’ils souhaitent. Qu’elles soient faites sur des initiatives purement privées (notamment dans les zones urbaines les plus denses) ou en partenariat avec des collectivités locales (régions, communes…) et/ou des partenaires publics (notamment dans des zones moins denses), ceci a pour principal avantage d’alléger les Capex des opérateurs télécoms et de favoriser la connectivités des territoires qui ne sont pas prioritaires (et suffisemment rentables).

Dans un secteur aussi oligopolistique que les télécoms, l’intervention du régulateur est déterminante pour un développement efficient des réseaux. L’ANRT se doit de réinventer les règles pour ne pas entraver le développement de la fibre optique, et se retrouver dans un Maroc mal connecté à horizon 2030.

Cette tribune a été publiée sur Médias24.

Levées de fonds Tech : le Maroc bientôt dans le Top 4 africain ?

Dans l’édition 2023 de son rapport annuel qui fait référence, Partech classe le Maroc 5ème au niveau africain en termes de levées de fonds pour startups tech, juste derrière les Big 4 historiques (Afrique du Sud, Nigeria, Egypte et Kenya) avec des levées totalisant 93 US$M pour 17 deals.


Certes, ce chiffre inclut 62 US$M levés par CashPlus, mais même retraitée de ce deal, la position du Maroc reste plus qu’honorable, relativement à celle d’il y a quelques années, surtout dans un contexte de mondial de recul des levées de fonds.

On compte aujourd’hui une dizaine de fonds actifs sur le marché marocain, contre seulement 2 ou 3 il y a 7-8 ans. Le programme Innov Invest de Tamwilcom porte ses fruits, et d’autres programmes publics devraient s’ajouter pour mettre plus de financement à disposition d’entrepreneurs innovants marocains.

Aujourd’hui, si vous avez un projet innovant, prometteur, avec des fondateurs de qualité et un positionnement marché intéressant, vous ne devriez pas avoir trop de mal à convaincre un des 10 fonds VC de la place pour lever des fonds jusqu’à 10-15 MDH. La difficulté se situe plus dans des levées plus importants, où nous avons clairement un déficit, surtout pour des tickets entre 15 et 50 MDH, encore trop grands pour les fonds VC locaux, et trop petits pour des fonds de Private Equity marocains.

Alors peut-on faire mieux et faire partie des Big 4 africains dans les 5 prochaines années? Ca s’annonce plus compliqué pour plusieurs raisons :

1- Les fonds capables d’investir des centaines de millions de USD dans des startups marocaines sont surtout étrangers. Or ceux-ci ont pour important critère d’investissement la taille des marchés investis. Le Maroc souffre de la taille, relativement réduite, de son marché, ainsi que de son manque flagrant d’intégration régionale. Les Big 4 disposent de marchés de plus de 100 millions d’habitants (Egypte et Nigéria) ou sont très bien intégrés régionalement (Afrique du Sud et son hinterland historique, et le Kenya leader des économies de l’Afrique de l’Est). Le Maroc n’est malheureusement ni l’un, ni l’autre.

2- Le secteur qui attire le plus de fonds en Afrique est la Fintech (et dans une moindre mesure la Climatech). Or le Maroc a une position ambigüe en la matière : nous avons d’un côté un taux de bancarisation/intégration financière qui approche des 50-60%, loin devant l’Afrique subsaharienne (~10% de taux de bancarisation) où le potentiel marché est encore énorme, mais aussi loin derrière les taux en Europe qui frôlent les 100%. Nous avons également un marché financier dominé (pour ne pas dire verrouillé) par les banques, avec un régulateur Bank Al-Maghrib, très conservateur dans son approche et pour qui, il est beaucoup plus important d’avoir des acteurs financièrement solides, plutôt que de nouveaux outsiders innovants. C’est une approche qui se respecte, mais qui est très discutable si on veut voir émerger une réelle innovation dans le secteur avec des acteurs qui disruptent le marché (cf point suivant).

3- Le Maroc a une économie conservatrice et rentière. Nous sommes loin d’avoir une économie schumpéterienne qui favorise la création destructrice : pour innover, il faut forcément détruire d’anciens paradigmes. Or pour beaucoup de raisons (qu’il est inutile de détailler ici), des secteurs entiers restent à l’abri de l’innovation, afin de maintenir des positions dominantes d’acteurs traditionnels. De plus, la réglementation très stricte ne favorise absolument pas l’émergence de nouveaux acteurs dans des secteurs minés par les dysfonctionnements : finance, assurance, mobilité urbaine, drones…

4- Paradoxalement, l’Etat marocain déploie de plus en plus d’effort pour le financement des startups innovantes, mais n’achète quasiment pas les produits innovants de ces mêmes startups. Le secteur public reste le premier donneur d’ordre du pays, mais préfère dans une large mesure s’approvisionner auprès d’acteurs étrangers pour ses besoins technologiques. Or, je reste convaincu que beaucoup de problématiques marocaines ne peuvent être adressées que par des startups qui comprennent les problématiques et enjeux locaux, sans oublier le facteur coût qui devrait normalement favoriser les startups marocaines, ainsi que les enjeux de souveraineté qui s’imposent dans un contexte géopolitique globalement instable.

Pour conclure, il est important de maintenir les acquis actuels en termes de financement de l’innovation, mais de penser sérieusement aux entraves qui nous empêchent de passer au niveau supérieur. Si on veut continuer de garder nos startupers au Maroc.

Cette tribune a été publiée par Telquel.

Taxe sur les superprofits : quels secteurs cibler?

«J’appelle tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs, et à utiliser ces fonds pour soutenir les plus vulnérables en ces temps diffciles». C’est ainsi que s’exprimait Antonio Guterres, le Secrétaire Général de l’ONU le 3 août 2022, à propos des superprofits réalisés par les sociétés pétrolières et gazières, qui profitent du contexte géopolitique mondial pour engranger des bénéfices records.

Depuis début 2022, plusieurs pays ont ainsi sauté le pas, et instauré des impôts exceptionnels sur les secteurs ayant profité ayant profité le plus de la conjoncture internationale, mélant la guerre d’Ukraine, le contexte post-Covid et les premières conséquences du changement climatique.

En Italie, l’impôt sur les superprofits est passé de 10% en mars 2022 à 25% en mai 2022 sur les géants de l’énergie.

En Grèce, la taxe sur les profits des producteurs d’électricité est passée à 90%.

En Espagne, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé une taxe exceptionnelle sur les banques et les grandes sociétés énergétiques.

En France, la décision de taxer les superprofits des géants de l’énergie est actée, et une taxe additionnelle sur les “superdividedes” est également en cours de discussion.

Quid du Maroc? Si on ne connait pas encore le contenu exacte de la Loi des Finances 2023 (à la date d’écriture de ces lignes), Medias24 avait annoncé la volonté du gouvernement de surtaxer certains secteurs oligopolistiques. Lesquels? Aucune décision formelle pour le moment, mais le débat risque d’être animé au Parlement.

Comment choisir ces secteurs? Si la Direction Générale des Impôts dispose de données annuelles sur les croissances de chiffre d’affaires et marges nettes réalisées par les entreprises, l’utilisation des données des sociétés côtées à la Bourse de Casablanca (BVC) permet d’avoir des données trimestrielles ou semestrielles plus récentes.

Les sociétés côtées à la BVC sont représentatives de la quasi-totalité des secteurs de l’économie marocaine (à l’exception notable du secteur agricole), ce qui permet d’avoir une vue globale des secteurs surperformeurs en ces temps de disette.

En analysant les données financières sur 4 ans d’une trentaine de sociétés côtées les plus importantes et les plus représentatives de leur secteurs respectifs, on peut identifier les secteurs à surtaxer en priorité.

On peut retenir trois paramètres principaux pour décider ou non la surtaxation des profits :

  • Nature oligopolistique du secteur
  • Evolution du niveau des marges nettes
  • Niveau de taxation actuel
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Covid-19, Morocco Chief Digital Officer?

La crise sanitaire que traverse le Monde en ce moment a des conséquences humaines terribles et un impact économique catastrophique sur beaucoup de secteurs.

Mais s’il y a un secteur qui devrait plutôt bien s’en sortir, c’est bien celui du digital. Au Maroc, nous avons pris beaucoup de retard, et la crise du Covid-19 a permis de faire tomber beaucoup de barrières psychologiques et décisionnelles qui bloquaient à la fois les décideurs et les citoyens/consommateurs.

L’impact sur les secteurs du digital n’a pas été uniforme. Certains vont connaitre des croissances exponentielles. D’autres vont sévèrement pâtir de la crise.

E-Gov :

S’il est aujourd’hui possible de déclarer et payer ses impôts en ligne, de déposer des réclamations à distance ou de déposer sa demande de permis de construire en ligne dans beaucoup de communes, la grande majorité des procédures est loin d’être digitalisée.

Il est toujours impossible de créer son entreprise en ligne, de légaliser un document ou demander une copie conforme sur Internet, ni d’effectuer des opérations à distance auprès du greffe du tribunal de commerce pour les entreprises.

Mais cette crise du Covid-19 a permis d’accélérer la mise en place de certains projets qui auraient pu attendre des mois, voire des années avant de voir le jour. Ainsi, l’Agence du Développement du Digital a lancé 10 jours après le début du confinement, 3 services : le bureau d’ordre digital, le guichet électronique des courriers et le parapheur électronique. Idem pour la distribution des aides directs de l’État pour les plus impactés par la crise : la plateforme de distribution des aides a été mise en place en quelques jours, alors qu’on en parle depuis une bonne décennie. La collecte de données d’une telle quantité par l’État sur des millions de foyers en si peu de temps, aurait été impossible en temps normal. En espérant que cela serve de premier pilier au Registre Social Unique.

Si cela prouve une chose, c’est que le blocage de dizaines de projets e-gov au Maroc est surtout d’ordre décisionnel, et n’est absolument pas technique ou financier. Quand l’administration veut, elle peut.

E-commerce

Dans l’impossibilité d’ouvrir leur magasins, ou face au risque sanitaire que pourraient encourir leurs clients, des dizaines d’enseignes ont (enfin) opté à la hâte pour le e-commerce.

Si certaines enseignes de grandes distribution ont opté pour des méthodes artisanales improvisées et qui démontrent leur impréparation à la situation, comme se greffer à des plateformes de livraison (comme Glovo ou Jumia Food), d’autres ont lancé des sites de e-commerce en bonne et due forme. C’est même devenu pour pour certaines la seule source de chiffre d’affaires (suite à la fermeture de leurs magasins physiques) durant les semaines passées. Elles ont dû adapter leurs process et leurs chaines logistiques à ce nouveau mode de fonctionnement, et aux contraintes sanitaires actuelles.

Et puis, on savait le client marocain très réticent au paiement en ligne (plus de 95% des paiements se faisaient en cash à la livraison). Mais par la force des chose, et pour limiter le risque de transmission du virus via les billets de banque, beaucoup ont enfin sorti leurs cartes bancaires pour payer en ligne.

Cette crise promet d’être un vrai catalyseur pour le e-commerce au Maroc. A condition de résoudre l’épineuse question de la rentabilité, qui, à mon avis, ne sera résolue que par un positionnement “brick and clicks”, c’est-à-dire en déployant une vitrine e-commerce s’appuyant sur un réseau de magasins physiques.

EdTech

Avec le confinement forcé, et l’arrêt des cours dans les écoles et universités, le Ministère de l’Education Nationale a déployé en quelques jours un important système de cours en ligne et sur les chaînes TNT publiques. Encore une fois, ce qui paraissait impossible ou qui devait prendre des années, n’a pris que quelques jours pour être déployé.

Les plateformes d’EdTech (Education Technology) qui permettent une interaction entre les professeurs et les élèves, mais aussi avec les parents et l’administration, sont aujourd’hui plus que nécessaires et complémentaires aux cours présentiels. Cela permet un suivi pointu de l’acquisition des compétences par les étudiants, mais aussi d’offrir un contenu de très haut niveau pour compenser le niveau pas toujours bon de certains professeurs.

Cela pourrait même faire partie de la solution à la surcharge des amphithéâtres de beaucoup d’universités marocaines.

FinTech

Quand l’État a voulu distribuer les aides directes à des millions de marocains touchés par la crise, il a opté pour la distribution en cash. Pour la simple raison que le mobile money est quasi-inexistant au Maroc, malgré le tapage médiatique qui a accompagné l’attribution des agréments, et le lancement de certains services.

Les raisons sont multiples : taux de bancarisation assez élevé par rapport aux pays d’Afrique subsaharienne pris en référence pour ce projet (~60% vs. ~10%), réseau d’acceptation très faible chez des commerçants inquiets des possibilités de traçabilité fiscale, culture du cash très dominante, faibles revenus des populations cibles…

Le cash a encore de beaux jours devant lui. Et à moins d’une révolution culturelle et réglementaire, ce n’est pas demain que l’on verra une migration de masse vers le mobile money et l’émergence de vrais startups de fintech au Maroc.

HealthTech

La crise du Covid-19 a eu un impact insoupçonné sur le secteur médical : la chute des consultations physiques. Les patients ne souhaitant pas prendre de risque en se rendant dans les hôpitaux, cliniques ou cabinets médicaux, n’ont eu de choix que d’appeler leurs médecins par téléphone ou appels vidéos.

Si certaines startups offrent aujourd’hui la téléconsultation qui se résume à de simples appels vidéos, il serait temps de voir d’autres services proposant une intégration de tous les acteurs de santé autour du patient (médecins, pharmaciens, biologistes, imagerie médicale…), voire des appareils de prises de mesures à distance pour optimiser les parcours de clients, et réduire les déserts médicaux.

Logiciels B2B

Si beaucoup des grandes entreprises ont pris le virage technologique en digitalisant une bonne partie de leurs process, la grande majorité des TPME n’y sont pas encore. Faute de moyen ou de volonté. La crise du Covid-19 a démontré plus que jamais la nécessité d’opter pour des logiciels de gestion sur le cloud, de digitaliser tous les process papier.

La tendance qui se dégage par ces temps de crise chez beaucoup d’entreprises, est la repriorisation et l’accélération de projets devenus, par la force des choses, stratégiques.

Conclusion

Cette crise ressemble beaucoup à une situation de guerre. Et parmi les effets d’une économie de guerre, l’installation d’un “effet de cliquet” théorisé par l’économiste James Duesenberry en 1949. Il le définit comme un effet empêchant le retour en arrière d’un processus une fois un certain stade dépassé. Nous espérons tous, qu’une fois cette crise sanitaire dépassée avec le moins de dégâts humains et économiques possibles, qu’un effet de cliquet s’installe durablement, avec un effet favorable sur tous les secteurs du digital.

Le Covid-19 aura alors réussi là où beaucoup de stratégies ont échoué, et méritera son titre de Morocco Chief Digital Officer.

Covid-19 : L’application de tracking des marocains doit être open source

Le gouvernement marocain a lancé le développement d’une application mobile permettant le traçage des contaminations du Covid-19. Elle permettra de tracer les contacts physiques de tous ceux qui l’auront installée (en utilisant le GPS et/ou le Bluetooth), et d’avertir tous ces contacts en cas de contamination de l’un d’entre eux par le Covid-19. Couplée au testing massif, cette application pourrait être un moyen efficace pour lutter contre cette pandémie à l’échelle nationale, et d’identifier très rapidement tout foyer, d’autant plus que, selon l’ANRT, 75% des marocains disposent d’un smartphone.


D’autres pays comme Singapour, la Corée du Sud, la Chine, le Ghana, la République Tchèque l’ont fait. Celle du Royaume-Uni est en cours de développement. Idem pour la France où l’INRIA pilote le projet, et où un débat parlementaire devrait s’ouvrir incessamment pour discuter des répercussions lourdes de ce type d’applications sur les libertés individuelles et la protection des données personnelles.

Au Maroc, ce type de débat ne semble pas d’actualité aujourd’hui, ce qui est une aberration totale. L’Etat marocain ne jouit pas des meilleures réputations en termes de protection des données personnelles et des libertés individuelles. Mais d’après le document de référence publié par plusieurs supports de presse, le traitement des données devra se faire sur le téléphone lui même, et non sur un serveur distant. La seule garantie de non utilisation de ces données à des fins autres que celles de traçage des contaminations du Covid-19, serait de publier l’intégralité du code source de l’application développée. Une fois ce code source ouvert, il pourra être audité par des experts informatiques pour s’assurer des protections adéquates des donnés personnelles collectées.

D’autres pays ayant recours à ce type d’applications en ont déjà publié le code source, afin justement, de rassurer leur population sur l’utilisation de leurs données personnelles (Singapour, Israel, République Tchèque…). Résultat : des millions d’utilisateurs ont adhéré à la démarche et ont installé l’application afin de contenir le virus.

Encore une fois, ne ratons pas l’occasion de redonner confiance aux citoyens dans leur État. Ce serait dommage que la majorité des marocains renoncent à installer ce type d’applications par méfiance. Car sans adhésion massive de la population à ce type d’initiatives, elles seront tout simplement inutiles.

Cette tribune a été publiée sur Medias24

Ce que les pétroliers ont pompé de la poche des marocains

Pendant des dizaines d’années au Maroc, le prix des hydrocarbures était subventionné ET réglementé au Maroc. L’État accordait une subvention aux hydrocarbures via la caisse de compensation. Il fixait en même temps le prix maximum à la pompe. Mais depuis 2013, le gouvernement Benkirane a progressivement levé cette subvention, pour l’annuler complètement début 2015. Dès lors, les hydrocarbures n’étaient plus subventionnés, mais leur prix maximum était toujours fixé par l’État, considérant que c’est une denrée sensible et essentielle à toute économie (tout comme les médicaments par exemple). Mais depuis décembre 2015, Benkirane décide la libéralisation totale de ces prix, laissant au marché le soin de les fixer. La concurrence devait donc jouer théoriquement son rôle pour faire baisser les prix et offrir au consommateur le meilleur rapport qualité prix.

Sauf que depuis cette date, il faut être dupe pour ne pas se rendre compte de l’augmentation sensible des prix des hydrocarbures à la pompe. Malgré la baisse du prix du baril en 2016, et surtout en 2017, les prix ne variaient que très peu à la baisse. Mais toute hausse du baril était systématiquement et rapidement répercutée sur les consommateurs. Ceci alimentait une forte suspicion d’entente sur les prix, pour permettre aux distributeurs d’hydrocarbures d’engranger un maximum de bénéfices possibles.

Le Conseil de la Concurrence en état de paralysie totale, faute de nomination de son Président et de ses membres, était (et est toujours) dans l’incapacité d’enquêter sur cette éventuelle entente, et d’infliger des amendes aux distributeurs de carburants si une entente sur les prix ou un abus de position dominante avait été constaté.

Le fait que Aziz Akhennouch (Afriquia, RNI), Mbarka Bouaida (Petrom, RNI) et Rkia Derham (Atlas Sahara, en quasi-duopole de distributeur de carburant dans les provinces du Sahara, USFP) soient membres du gouvernement actuel (et de celui de Benkirane pour les deux premiers) renforce cette suspicion de connivence entre l’exécutif et le secteur de distribution d’hydrocarbures.

Pour ne rien arranger aux choses, le rapport produit par la commission exploratoire parlementaire sur les prix des hydrocarbures exonère les distributeurs de toute responsabilité dans l’augmentation des prix, et considère que l’État est le plus grand gagnant dans la libéralisation des prix, et que les prix au Maroc sont parmi les plus bas de la région (!!). Une première version de ce rapport qui a fuité dans la presse, a au contraire incriminé les pétroliers d’avoir outrageusement augmenté leurs marges depuis la libéralisation des prix en décembre 2015.

Qu’en est-il vraiment?

A l’examen des comptes 2015 et publiés sur Inforisk ou par l’OMPIC, ainsi que sur le site de l’AMMC (en ce qui concerne Total Maroc cotée en bourse), l’analyse des marges est plus qu’édifiante.

Augmentation de la marge brute de 1,5 à 3,3 fois entre 2015 et 2016

La marge brute est la différence entre le prix d’achat des marchandises revendues et le prix de leur vente. Dans le cas des distributeurs d’hydrocarbures, il s’agit à plus de 95% de carburants. Le reste étant surtout des huiles de vidange et autres produits complémentaires vendus dans les stations services.

En analysant les comptes des 4 plus grands distributeurs du marché, totalisant une part de marché de 72%, la marge brute a progressé entre 2015 et 2016 (soit avant et après la libéralisation des prix) de 1,5 fois pour Afriquia à plus de 3,3 fois pour Total Maroc. (Les comptes 2015 de Petrom n’étaient pas disponibles).

Une marge nette jusqu’à 8% pour Total Maroc !

La marge nette est le rapport entre le résultat net (c’est-à-dire le gain après avoir soustrait toutes les charges d’achat et de fonctionnement) et le chiffre d’affaires des distributeurs. Les marges nettes ont tout simplement explosé après la libéralisation des prix en décembre 2015.

Des distributeurs comme Vivo Energy (Shell) qui ne faisaient qu’un petit 1,4% de marge nette, a multiplié sa marge par 4 pour atteindre 5,7%. De même pour Afriquia et Total Maroc.

Cette dernière, réalise par exemple pour le même chiffre d’affaires de 10,5 milliards de DH, un bénéfice de 800 millions de DH en 2016, contre “seulement” 400 millions de DH en 2015.

Le gain additionnel de ces sociétés en quelques mois est tout simplement phénoménal. En multipliant le volume écoulé sur le marché marocain par la marge supplémentaire engrangée par ces distributeurs, on arrive à un chiffre entre 15 et 17 milliards de DH en 30 mois de libéralisation des prix. Une partie de cette manne (20 à 30%) est allé dans les caisses de l’Etat sous forme d’impôt sur les sociétés, mais la majeure partie est allée renflouer les poches des actionnaires de ces sociétés, dont certains se retrouvent propulsés au premier rang des personnes les plus riches au Maroc.

Faut-il récupérer cet argent, indument prélevé des poches des marocains? Oui. Ces sociétés ont profité des connivences entre politiques et business pour passer des réformes en leur faveur, sans aucun contrôle de l’État. Comment le récupérer? En temps normal, le Conseil de la Concurrence aurait pu enquêter sur l’absence de concurrence entre ces sociétés et sur les prix très proches pratiqués par celle-ci. La loi permet d’infliger des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires en cas d’infraction avérée. Le Conseil de la Concurrence étant hors service pour le moment, cet argent doit être récupéré via des taxes exceptionnelles, mais non rétroactive, puisque la loi l’interdit. Une innovation fiscale plus que nécessaire pour rétablir, ne serait-ce qu’un semblant de justice fiscale dans ce pays.

Au royaume des grands projets, du rêve à la (dure) réalité

 

Les chiffres annoncés par le groupe chinois Haite pour son futur parc industriel à Tanger donnent le tournis: 10 milliards de dollars d’investissement sur 10 ans. 100.000 emplois créés par 200 compagnies installées sur 2.000 hectares.

L’ambitieux plan dévoilé en 2016 par le sulfureux Ilyas El Omari a d’abord été accueilli par un prudent scepticisme, la société porteuse du projet n’employant que mille personnes dans sa Chine natale. De plus, le timing de l’annonce pendant une période pré-électorale, propice à des promesses qui “n’engagent que ceux qui y croient” – comme disait Jacques Chirac, la rendait encore moins crédible.

Mais depuis mars dernier, cette promesse porte désormais une caution royale, matérialisée par une inauguration par le Souverain. Est-ce une garantie de réalisation? Pas si sûr.

L’histoire récente du Maroc regorge de contre-exemples trop vite oubliés.

En 1997, le PDG du conglomérat coréen Daewoo avait annoncé à Hassan II son intention de construire des unités de fabrication de produits électroniques et automobiles. Une énorme parcelle de terrain jouxtant la route nationale du côté de Nouaceur a même été réservée au projet. Vingt ans après, rien n’est sorti de terre.

En 2006, le groupe émirati Emaar avait promis, devant Mohammed VI, un investissement de 3 milliards de dollars dans un projet de réhabilitation de la façade atlantique de Rabat sur 331 hectares. Aujourd’hui, seul subsiste un bureau de vente fantôme sur la corniche de Rabat.

Emaar s’était aussi engagé la même année à investir 1,4 milliard de dollars sur 600 hectares à la station de ski d’Oukaïmden, afin de la mettre au niveau des plus grandes stations des Alpes! Là aussi, hormis quelques articles de presse, nulle concrétisation.

Certes, le Maroc a réussi de grands coups en termes d’investissements étrangers, à l’image de celui de Renault Tanger Med (qui aurait pu tomber à l’eau sans l’intervention salvatrice de la CDG en 2009), ou celui en cours de PSA à Kénitra. Or, montés et structurés méticuleusement par des équipes qui ne cherchaient pas que l’effet d’annonce, ces projets obéissaient à une logique industrielle faisant partie d’une stratégie globale de ces groupes.

Autrement, le Maroc est trop souvent la victime consentante d’annonces démesurées de groupes étrangers cherchant à gonfler artificiellement leur cours boursier, à obtenir des facilités dans leurs propres pays ou à servir les ambitions purement personnelles de leurs dirigeants.

Ces projets fantômes recèlent des dangers bien réels: ils risquent de créer un effet d’éviction vis-à-vis des investisseurs sérieux, lesquels peuvent être refroidis par la raréfaction du foncier qui en découle, par la pénurie de main d’œuvre dans tel bassin d’emploi ou par l’engorgement des capacités logistiques sur telle voie ferrée ou port à proximité.

D’où la tentation de chercher d’autres pays plus propices à leurs investissements. Tout l’enjeu pour le Maroc est de mieux comprendre les circuits de prise de décision chez les grands investisseurs, et leurs plans à moyen et long termes. Cela nous éviterait de bien malheureuses aventures.

Ne nous avait-on pas prévenus à l’école de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué? A fortiori quand il s’agit d’un panda.

 Tribune initialement publiée le 7 juillet 2017 sur Medias24
 

Pourquoi je ne voterai pas PJD aux législatives de 2016

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Rappelez vous en 2011, en plein printemps arabe, des milliers de marocains étaient sortis dans les rues pour réclamer des réformes politiques profondes, moins de corruption, et plus de rédition des comptes. Une nouvelle constitution fut adoptée, certes décevante par rapport aux revendications de la rue, mais apportant quelques améliorations institutionnelles par rapport à celle de 1996. Des élections législatives furent organisées, pour choisir le(s) parti(s) qui allai(en)t répondre aux attentes des marocains, bien nombreuses, mais bien résumées par le principal slogan du mouvement du 20 février : dignité, liberté, équité sociale.

Pendant ces élections, le PJD s’était positionné en défenseur de la moralité et de la bonne gouvernance, et en combattant de la corruption, et de tous types de privilèges, avec son slogan : “صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الإستبداد”

Les marocains, avides de changement, et constatant que ces islamistes n’ont pas encore eu d’expérience au pouvoir, ont donné la majorité de leurs voix au PJD (1 million sur 7 millions de votants), ce qui lui a permis de diriger le gouvernement.

Quel bilan après 5 ans au pouvoir? Le PJD a-t-il rempli ses promesses électorales et répondu aux immenses attentes des marocains? Peut-on refaire confiance au PJD pour 5 autres années au pouvoir?

Sur le plan politique

Le gouvernement Benkirane était le premier à gouverner sous la Constitution de 2011. On l’attendait de pied ferme sur sa manière de l’appliquer. Son premier test a été l’adoption de la loi organique sur les nominations à la tête des établissements et entreprises stratégiques. L’article 49 de la constitution avait laissé le soin à cette loi de préciser la liste de ces établissements stratégiques, dont le roi, à la tête du conseil des ministres, nommait leurs dirigeants. Alors qu’on s’attendait à 5 à 10 organismes grand maximum, les députés de la majorité, PJD à leur tête, ont voté une loi incluant une quarantaine d’ entreprises à cette liste, vidant l’action gouvernementale de sa substance, et ôtant des secteurs stratégiques au contrôle du gouvernement. Le chef du gouvernement se retrouve alors privé de contrôle sur la CDG, OCP, l’ONCF, l’ONEE, l’ONHYM, l’ONDA, la RAM, la CNSS, le CIH, Al Omrane, la SNRT, le Crédit Agricole, et même la Société d’Encouragement du Cheval! La couleur était annoncée.

Quelques mois plus tard, et suite à la sortie de l’Istiqlal du gouvernement, Benkirane se retrouve à remplacer les ministres istiqlaliens par le RNI, Mezouar à leur tête, alors qu’il avait traité de tous les noms lors de la campagne de 2011.

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Sur le plan économique

Le gouvernement dirigé par Benkirane avait hérité en 2011 d’une situation macroéconomique compliquée, notamment à cause de la flambée des cours du pétrole, et aux répercussions de la crise mondiale sur le Maroc et ses partenaires économiques. Elle est globalement plus confortable aujourd’hui, mais ce n’est certainement pas grâce à ses actions. La baisse du déficit budgétaire, l’amélioration de la balance commerciale et de la balance des paiements sont essentiellement dus à la baisse du prix du pétrole sur les marchés internationaux.

La dette publique a quant à elle explosé sous le gouvernement Benkirane. Elle s’est située à fin 2015 à 82% du PIB, ce qui est bien supérieur au seuil admis de 70% pour des pays en développement comme le Maroc. Tous les analystes s’accordent à souligner l’insoutenabilité d’un niveau pareil d’endettement public. Et aucune action concrète n’a été prise par le gouvernement pour arrêter l’hémorragie.

Le gouvernement Benkirane, fort de sa doctrine ultralibérale (qu’il avait bien caché à ses électeurs en 2011) a également à son actif une mesure que beaucoup ont associé, à tort, à la réforme de la caisse de compensation : la libéralisation des prix du carburant. Le lobby des distributeurs pétroliers, bien représenté dans le gouvernement par deux ministres, a pesé de tout son poids pour que l’Etat cesse de fixer les prix de distribution des carburants. Résultat : ces pétroliers fixent eux même les prix de vente à la pompe, quitte à ce que ces prix ne varient pas avec la même amplitude que le prix du baril à l’international. Au Maroc, on peut se permettre de fermer l’œil sur ces pratiques, tant que le Conseil de la Concurrence ne se réveille pas de son profond sommeil.

Autre catastrophe en préparation : la libéralisation du dirham. Aujourd’hui, la monnaie nationale évolue selon une pondération fixée par les instances de régulation (60% en euro et 40% en dollar, à date d’aujourd’hui). Après cette libéralisation, le dirham n’obéira qu’aux règles d’offre et de demande des marchés pour fixer son prix. Au moindre petit choc économique ou politique, la monnaie nationale peut s’effondrer, et provoquer une hausse substantielle des prix des matières premières et équipements importés, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages. Se rendent-ils comptent de la gravité de cette mesure que cherche à imposer, sans succès jusque là, le FMI depuis des décennies au Maroc?

Le FMI qui avait quitté le Maroc à l’issue du très douloureux Plan d’Ajustement Structurel, mis en place en 1983, et qui a duré une dizaine d’années, a de nouveau remis les pieds au Maroc sous ce gouvernement. Grâce à la ligne de précaution et de liquidité (LPL) (une sorte d’assurance, mais sans déblocage de fonds jusqu’à ce jour), il essaie d’imposer, sans résistance, sa recette ultralibérale tous azimuts, et qui a prouvé ses échecs par ailleurs : libéralisation des prix, libéralisation de la devise nationale, austérité budgétaire…

Je ne m’attarderai cependant, sur la “réforme” de la caisse de compensation, plus que nécessaire certes, mais qui s’est soldée par une suppression pure des subventions, au lieu de les redistribuer vers les ménages les plus pauvres ou d’en profiter, par exemple, pour favoriser une installation durable des énergies renouvelables dans les ménages. Je ne m’attarderai pas non plus sur la réforme des retraites publiques civiles, qui n’a tenu compte que de quelques paramètres, et omis que la moyenne d’âge des marocains est encore loin de celle des français ou des allemands. Et je rappellerai pour finir que ce gouvernement avait augmenté la TVA sur les produits de base (sucre, thé, beurre…) en 2014, sapant encore plus le faible pouvoir d’achat des plus démunis.

Sur le plan des libertés et du combat contre la corruption

Au vu de l’adoption de la nouvelle constitution, et de ses innombrables promesses électorales,  Le gouvernement de Benkirane était très attendu sur le plan de la lutte contre la corruption et sur le respect des libertés publiques.

Il y a eu tout d’abord la gestion des rentes accordées par l’Etat. Suite à la publication de la liste des propriétaires des agréments de transport par autocar et des carrières, tout le monde avait cru à une réforme profonde à venir. Ah ben non. Rien. Absolument rien n’a été fait pour abolir cette rente qui gangrène le Maroc, et qui est accordée à des milliers de personnes, qui ont très souvent pour seul mérite d’être proche du pouvoir.

Et puis il y a eu cette affaire des primes de Mezouar. Celui qui était à l’époque ex-ministre des finances (et pas encore ministre des affaires étrangères), a échangé des primes exceptionnelles avec le Trésorier Général. Y a-t-il eu des poursuites judiciaires? Oui. A l’encontre de ceux qui ont supposément fait fuiter les documents prouvant la transaction. Et contre personne d’autre. Ainsi, le gouvernement PJD a donné le signal à tous ceux qui étaient susceptibles de faire des révélations sur des affaires de corruption, de se taire à jamais. “صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الإستبداد” disaient-ils.

Autre affaire qui avait secoué le Maroc : celle de l’emprisonnement de Ali Anouzla, directeur de la publication du site Lakome.com et qui avait publié un article accompagné d’une vidéo de propagande d’Al Qaeda. Au lieu de défendre le droit de tout journaliste à s’exprimer librement, et à présenter les faits tels qu’ils sont, le très bavard et prétentieux ministre ex-journaliste El Khalfi s’est fendu avec son camarade de la Justice Ramid (par ailleurs chef du parquet), d’un communiqué incendiaire, enfonçant Anouzla et l’accusant de tous les maux. L’affaire a heureusement eu un dénouement heureux (même si Anouzla est toujours poursuivi pour d’autres affaires), mais a prouvé qu’il importait très peu au PJD de défendre la liberté de la presse, telle qu’universellement admise.

Une autre occasion en or s’est présentée au gouvernement PJD pour prouver sa sincérité dans la lutte contre la corruption : la loi organique institution l’instance nationale de lutte contre la corruption. Le gouvernement a férocement refusé d’élargir ses prérogatives, et a gardé son périmètre confiné dans la production des rapports et de vagues mesures de lutte contre cette corruption qui gangrène le pays.

On évoquera également le harcèlement permanent, voire l’interdiction des activités d’associations critiques envers le pouvoir, comme Freedow Now, Attac, l’AMDH, ADN/Raqmiya… Les poursuites contre Maâti Mounjib et ses amis ont constitué le point d’orgue dans cette campagne de harcèlement, contre laquelle, le PJD et ses alliés sont restés spectateurs.

Et puis last but not least, l’interdiction de la VoIP par l’ANRT est venu couronner ces 5 ans de transgression de libertés. L’ANRT, dont le conseil d’administration est présidé par Benkirane a explicitement demandé aux opérateurs de couper la VoIP à leurs abonnés, faisant fi des raisons économiques et sociales qui poussent des millions de marocains, au Maroc ou à l’étranger, étudiants ou entrepreneurs, à utiliser ce formidable outil de communication.

La liste est encore longue : projet de code pénal, transgression des libertés individuelles, usage excessif de la force lors de manifestations publiques… A se demander s’il n’y avait pas de lignes cachées sans ce sens dans le programme électoral du PJD.

Sur le plan des services publics et sociaux

La qualité des services publics a atteint des abysses pendant ce mandat du PJD : enseignement, santé, infrastructures, transport… Et si le constat est unanime, les solutions ne le sont pas.

Alors que la classe moyenne se saigne à blanc pour éduquer convenablement ses enfants dans les écoles privées (les classes les plus pauvres n’ont guerre le choix…), et consacre en moyenne 25% des revenus du ménage à l’éducation de ses enfants, Benkirane ne trouve rien de mieux à déclarer qu’“il est temps que l’État lève le pied sur certains secteurs, comme la santé et l’éducation” et que “le rôle de l’État doit se limiter à assister les opérateurs privés qui veulent s’engager sur ces secteurs”. L’ultralibéralisme du PJD est donc à nouveau révélé au grand jour, au grand dam de cette classe moyenne qui attend des services publics de qualité, en échange des lourds impôts qu’elle paye. Sans parler de la destruction de l’école publique, ce formidable ascenseur social qui a permis à tant d’enfants de familles pauvres d’accéder au savoir et de contribuer à la construction de leur pays.

Si le Maroc a réalisé certains progrès notables dans la construction de certaines grandes infrastructures, le transport urbain intra-ville et les infrastructures rurales reste catastrophique. Et rappelez vous cette citation de Rebbah au parlement après la destruction comme des châteaux de carte de dizaines de ponts et de routes suite aux inondations dans le sud : “L’Etat n’a pas les moyens d’avoir une bonne infrastructure et d’entretenir et construire de bons ponts dans le Sud”. Ce même Etat a les moyens de construire une ligne de TGV de 200 Km à 25 milliards de DH (soit l’équivalent de 25 000 écoles ou 25 centres hospitaliers universitaires), mais n’a pas les moyens d’entretenir les seuls routes qui désenclavent des millions de marocains vivant dans des contrées isolées du pays. Le sens des priorités? Au diable.

Autre aspect calamiteux dans la gestion des services publics : la gestion déléguée des monuments historiques à des opérateurs privés. Ou comment offrir les joyaux de notre patrimoine,  qui a traversé des siècles, au moins disant d’un marché public. C’est tout simplement criminel.

Pour qui voter alors?

Si aujourd’hui, le PJD se plaint du “Tahakkoum” et de l’ingérence du Makhzen dans la préparation aux élections, on oublie que le parti islamiste avait amplement le moyen de rendre le jeu électoral plus équitable et transparent (pour tout le monde), en instaurant certaines mesures et en votant des lois. Rappelez-vous le refus de créer une instance indépendante pour les élections, l’abolition du minimum d’études pour les présidents de commune, de l’autorisation accordée aux ex-trafiquants de drogue à se présenter aux élections.

Face à l’échec criant du PJD à tenir ses innombrables promesses de 2011, à qui donner sa voix en 2016? Certainement pas aux marionnettes du Makhzen, qui ne cherchent qu’à profiter du système , à en faire profiter leurs amis (les plus nantis surtout), mais surtout à faire perdurer l’autoritarisme et la corruption qui a gangrené le Maroc depuis son indépendance.

J’offre personnellement ma voix à une force politique qui représente une troisième voie pour le Maroc. Celle de la Fédération de la Gauche Démocratique qui milite pour l’instauration d’un vrai état démocratique. Ses militants, issus du mouvement national, n’ont jamais failli devant la pression de la machine makhzanéenne. Ils continuent de résister et de militer, partout au Maroc, pour les valeurs de démocratie et de justice sociale. Cette troisième voie est en construction, loin des islamistes conservateurs idéologiquement mais ultralibéraux économiquement, et des makhzanéens anti-démocrates, qui ne cherchent qu’à faire perdurer leur privilèges. Cette voie de la FGD est, pour moi, le dernier espoir.

Logo Fédération de la Gauche Démocratique

 

Sept mythes sur la démocratie au Maroc

Benkirane Folklore

Ceci est un article écrit par un chercheur britannique, Till Bruckner, qui n’a passé que 6 mois au Maroc. Il décrit avec une lucidité déconcertante, la réalité politique du Maroc, et les enjeux difficiles qui l’attendent, loin du “tropisme marocain” auquel nous ont habitués certains médias et think tanks.

La version originale a été publiée sur Open Democracy. Il a été traduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

Le Maroc : stable, réformiste, et avance à pas lents vers la démocratie, n’est-ce pas? Faux. Quelques mythes communs démystifiés.

A en juger par les récits des médias et les rapports de think tanks, de nombreux commentateurs étrangers semblent incapables (ou ne veulent pas) raisonner au-delà de l’image réformiste que les autorités marocaines cherchent à projeter à l’étranger.

Ce bref article, basé sur un séjour de recherche de 6 mois dans le pays, vise à démystifier sept mythes courants sur la prétendue transition démocratique au Maroc.

Quelques mises en garde toute de même : Je n’a pas l’intention de critiquer le Maroc, ses dirigeants ou son peuple. Aucun étranger ne pourrait critiquer le Maroc aussi incisivement, violemment et avec humour que les Marocains eux-mêmes. Aussi, je ai pas l’intention de donner des leçons aux marocains sur la liberté et la démocratie. Je vais laisser cette tâche aux diplomates occidentaux: les Français qui prêchent la liberté d’expression à l’étranger tout en réprimant les voix critiques chez eux, les Américains qui envoient des personnes se faire torturer au Maroc, et donner des leçons aux «Monde Arabe» à propos des droits de l’Homme, et les Britanniques qui luttent sans relâche contre la corruption à l’étranger tout en couvrant les cas de corruption qui impliquent leur propre élite.

En discutant les sept mythes ci-dessous, je suis parfaitement conscient que, après seulement six mois passés au Maroc, ma compréhension de ce pays très complexe et très diversifié reste très limitée. Les lecteurs sont encouragés à ajouter leurs propres points de vue dans la section des commentaires au bas de cet article.

Mythe 1: Le Maroc est une monarchie constitutionnelle

Faux. Le Maroc n’est pas une monarchie constitutionnelle . C’est une monarchie avec une constitution écrite. (Le terme “Constitutional Monarchy” est l’équivalent de “Monarchie Parlementaire” en français, NDT)

Il y a une séparation des rôles, mais pas de séparation des pouvoirs: politique, économique et religieux sont tous concentrés au Palais royal, qui prend toutes les décisions importantes et contrôle tout dans les faits : le Parlement, le pouvoir judiciaire et les forces de sécurité, la plupart des médias et les sphères non-gouvernementales.

Aux cotés de ce pouvoir, il y a un spectacle de marionnettes assez divertissant appelé “gouvernement”, et une comédie de longue durée appelé “Parlement”, avec un mélange de partis politiques hargneux ayant la capacité de générer une quantité infinie d’intrigues amusantes, mais sans conséquences. 

Toutes les quelques années, il y a une élection au cours de laquelle les cartes sont redistribuées et quelques nouveaux jokers font leur apparition afin de maintenir une illusion de changement.

Mythe 2: le Palais a adopté la réforme démocratique

Faux. Certes, le Palais a institué certaines réformes très importantes depuis que le roi Mohamed VI est monté sur le trône en 1999: le développement des infrastructures, l’électrification rurale , une plus grande liberté de parole, et moins de torture dans les prisons. Mais aucune d’entre elles ne sont des réformes démocratiques en soi.

En 2011, lorsque des manifestants inspirés par le Printemps Arabe sont descendus dans les rues, le palais a promis des réformes démocratiques et a présenté une nouvelle Constitution qui garantit un bon nombre de libertés politiques, tout comme la constitution d’Allemande de l’Est de l’ère stalinienne. Et comme dit un proverbe allemand: Le papier est patient, vous pouvez écrire n’importe quoi dessus, et il ne se plaindra pas.

Le Palais a promis la démocratie avant même l’indépendance. Et il va continuer à promettre des réformes démocratiques à l’avenir. Rien d’exceptionnel en somme.

Mythe 3: il y a un processus de démocratisation

Faux. Dès que les manifestations du Printemps Arabe ont perdu leur élan, en partie en raison de la répression policière – la démocratisation a été mise en veille.

La démocratisation au Maroc est une rue à double sens, et en ce moment le pays est en marche arrière. Pour ne donner qu’un exemple, la Constitution consacre l’accès à l’information comme un droit fondamental de tous les citoyens. Le dernier projet de la loi organique ajoute une touche kafkaïenne: les citoyens ont le droit d’accéder à l’information, mais s’ils publient ensuite ces informations, ils pourraient être envoyés en prison pour cela.

Ainsi, la danse continue: un pas en avant, un pas en arrière.

Mythe 4: Les Marocains ont choisi l’évolution dans la révolution

Faux. Marocains n’ont jamais été autorisés à choisir entre ces options, et personne ne sait ce que la majorité choisirait dans le cas peu probable où ils seraient consultés sur la question. En outre, le Palais a empêché l’émergence de toute alternative crédible à lui-même : évolution, révolution ou autre.

Seul un quart des Marocains adultes ont pris la peine de participer à la dernière mascarade électorale . Dans tous les cas, les Marocains ont choisi collectivement “l’apathie politique” plutôt que l’évolution ou la révolution.

Mythe 5: la création d’emplois est les plus grand défi d’aujourd’hui

Faux. Beaucoup de jeunes Marocains sont inemployables dans les conditions actuelles du marché libre, de globalisation et de libre-échange, et cela ne changera pas de sitôt.

La plupart des diplômés des écoles marocaines sont terriblement mal outillés pour occuper les plus hautes positions du marché mondial de l’emploi, à cause du lamentable système d’éducation public ; le Palais pilote l’actuelle refonte de ce système, qui en cas de succès, prendra au moins une génération à donner ses fruits.

Dans le même temps, la main-d’œuvre semi-qualifiée et non qualifiée marocaine n’est pas compétitive. Tragiquement, alors que le salaire minimum d’environ un euro par heure ne suffit pas pour une famille pour vivre décemment dans une grande ville marocaine, son coût est prohibitif dans un monde globalisé dans lequel les travailleurs d’usines sont payés ailleurs moins de cinquante euros par mois.

Aujourd’hui, le défi n’est pas de créer des millions d’emplois, ce qui est impossible à court terme. Le véritable défi est d’empêcher des millions de jeunes gens en colère d’exprimer collectivement leur rage contre un système qui les néglige et les a laissés pourrir pendant que les enfants des riches instruits dans le privé s’accaparent les meilleurs emplois.

Mythe 6: Le Maroc est un îlot de stabilité

Faux. Le Maroc peut être moins instable que l’Algérie, la Libye, l’Egypte ou la Mauritanie, mais cela n’en fait pas un pays stable. Le Maroc est traversé par de multiples lignes de fissure: riches et pauvres, urbains et ruraux, arabes et berbères, traditionalistes et modernistes, avec une pléthore de fortes identités régionales. Ces divisions préexistantes pourraient facilement être approfondis et exploitées par des acteurs politiques sans scrupules, si l’occasion se présente.

Les manifestations qui ont éclaté dans tout le pays pendant le Printemps Arabe ont fini en émeutes dans de nombreuses villes. Dans un proche avenir, la stabilité sociale déjà précaire du Maroc sera encore tendue par le nombre croissant des jeunes inemployables (voir ci-dessus) et les effets dévastateurs du changement climatique. Selon la Banque mondiale, «de larges portions de terrains actuellement exploités grâce à l’agriculture pluviale, devraient être abandonnés ou transformés en terres de pâturage; les pâturages actuels, quant à eux, pourraient devenir impropres à toute activité agricole “.

Imaginez le scénario suivant: une grave sécheresse cause une chute libre de l’économie et de violentes manifestations éclatent dans tout le pays. De quelle stabilité parlera-t-on?

Mythe 7: tout le monde est d’accord que plus de démocratie est meilleur pour le pays

Faux. Le Chef de Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que le rôle de son gouvernement est de mettre en œuvre des directives royales. Les partis politiques sont des pyramides d’intérêt étroits qui ne pratiquent même pas la démocratie interne. Les chefs d’entreprise semblent peu susceptibles de tolérer de grands risques politiques dans un contexte de croissance économique positive à long terme.

La plupart des citoyens ne votent pas; la plupart ne manifestent pas activement contre le système. Que veulent les marocains? Aucun sondage fiable ne le dit, et personne ne peut le prévoir.

Quant à l’Amérique et l’Europe, pourquoi risquer la démocratie au Maroc si vous pouvez traiter directement avec un roi «réformiste» qui garde les importations à un niveau élevé, les islamistes tenus à l’écart, et les immigrants illégaux hors d’Europe?

Pour résumer: malgré les réformes importantes sur de nombreux fronts, le Maroc n’évolue pas vers plus de démocratie, et il semble peu probable qu’il le fasse dans un avenir prévisible. La stabilité, déjà précaire, subira une pression supplémentaire inévitable en raison de l’inemployabilité des jeunes, et des effets du changement climatique.

Une seule chose est certaine: analyser à travers une vision téléologique de la «démocratisation» n’aidera personne à comprendre le présent du Maroc ou à prédire son avenir.

Rebbah, Boulif, Khlie : dégagez!

Déraillement train Khouribga
Déraillement d’un train phosphatier à Khouribga (Source)

Depuis quelques semaines, l’ONCF part en vrille. Encore plus qu’avant. Les incidents se comptent par dizaines chaque semaine. Les usagers les subissent de plein fouet. Tant pis s’ils ratent des avions, des RDV importants, arrivent en retard à leur travail chaque jour ou voyagent dans des conditions indignes, même pour du bétail. Et la direction de l’ONCF ne semble guère s’en soucier. On ne compte plus les sit-in, les réclamations par centaines (auxquelles ils ne répondent jamais), et les articles de presse. Les dirigeants de l’ONCF restent enfermés dans leur tours d’ivoire, laissant leurs employés sur le terrain (dans les gares et trains) subir de plein fouet les foudres des usagers.

Tout au long des derniers mois, l’ONCF a connu des incidents ou accidents, les uns plus graves que les autres, entrainant des perturbations et des dysfonctionnements majeurs :

  • 25 mai 2014 : Un incendie se déclare dans un wagon pas loin de la gare de Rabat Agdal. Probablement dû à un court circuit. Pas de victimes heureusement.
  • 20 aout 2014 : Déraillement d’un train entre Mohammedia et Casablanca, ayant causé la mort d’un cheminot, et plusieurs blessés parmi les passagers
  • 9 avril 2015 : Un incendie se déclare dans un train près de Meknès, entrainant l’intervention des pompiers, et l’arrêt de la circulation des trains sur ce trançon
  • 20 avril 2015: Un train a roulé sans chauffeur, sur une distance de 1,5 Km, alors qu’il transportait des passagers à partir de la gare de Kenitra
  • 30 avril 2015 : Un train est tombé en panne vers Kenitra. De la fumée s’est dégagée de la locomotive, entrainant l’enfumage des passagers, et le blocage total de la circulation des trains navette pendant de longues heures. Des passagers excédés occupent alors la voie à la gare de Temara, pour protester contre les retards interminables. Résultat, le train devant quitter Rabat à 7h30 arrive à Casa Port aux environs de 11h.
  • 12 mai 2015 : La rupture de l’alimentation électrique aux environs de Mohammedia bloque le trafic pendant 3h. Les passagers vivent l’enfer au bord des trains. Sans parler des passagers bloqués dans les gares, et qui ont dû attendre des heures avant l’arrivée de leurs trains.
  • 12 mai 2015 : Un train phosphatier déraille aux environs de Khouribga ne causant aucun dégât humain, mais entrainant des dégâts matériels visiblement importants

Cette liste est, bien entendu, non exhaustive, et a pour seul intérêt de démontrer que le laisser-aller des responsables et employés de l’ONCF a atteint des niveaux sans précédents. Et on ne parlera pas des trains constamment en retard, des climatisations en panne en plein été (et sans possibilité d’ouvrir les fenêtres), des trains surencombrés et insuffisants en heure de pointe… Même les ministres de tutelle, MM. Rebbah et Boulif confirment la dégradation des services de l’Office, mais ne semblent pas s’en soucier plus que cela.

Et puis, parlons des difficultés financières de l’Office. L’ONCF affiche un résultat net négatif de 220 millions de DH au titre de l’année 2014. Cette descente aux enfers ne fait que commencer, en raison de l’arrêt progressif du transport des phosphates de Khouribga à Casa et Jorf Lasfar (avec l’entrée en marche du pipeline OCP) et dont les revenus représentaient ~40% du chiffre d’affaires total de l’Office, de l’endettement massif dû au projet TGV, et avec la subvention à venir des billets TGV qui ne devraient pas dépasser 200 à 300 DH entre Rabat et Tanger (contre un coût réel estimé entre 700 et 1000 DH). Avec tout cela, l’ONCF ne pourra pas échapper à l’avenir à une situation similaire à celle de l’ONEE aujourd’hui : un office avec des déficit abyssaux, et un endettement colossal, incapable de s’en sortir sans plan d’aide publique massif. Plusieurs acteurs avaient pourtant levé l’alerte sur ce projet inutile, inefficient et surtout, très défavorable financièrement à l’Office.

Pour toutes ces raisons, et par respect aux usagers des trains et aux citoyens marocains, il devient nécessaire que les premiers responsables de cette situation, à savoir M. Rebbah (Président du conseil d’administration de l’ONCF et ministre de tutelle), M. Boulif (co-ministre de tutelle) et M. Khlie (DG de l’ONCF), prennent leur responsabilité, et démissionnent de leur postes respectifs. On trouvera bien plus compétents qu’eux.