Comment faire décoller la fibre optique au Maroc?

La stratégie Digital Morocco 2030 affiche un objectif très ambitieux pour le Maroc en termes de connectivité à la fibre optique : 4,4 millions de foyers éligibles en 2026 et 5,6 millions en 2030. Ce nombre n’était que de 1,5 millions en 2022, pour 611.000 foyers effectivement connectés à la fibre.

Cet objectif est-il atteignable en l’état actuel du secteur? Peut-être. Mais les entraves sont encore très nombreuses.

Selon les derniers chiffres de l’ANRT, 919.000 foyers étaient connectés à la fibre optique à la fin du T1 2024, avec une progression annuelle moyenne de 57% entre 2020 et 2023. L’ADSL affiche, quant à lui, une quasi stagnation depuis 2020. Ces deux segments d’Internet filaire, ne représentent que 6,6% du parc connecté au Maroc. L’Internet mobile représentant 93% du parc.

Comment peut-on interpréter ces chiffres? De plus en plus de foyers anciennement connectés à l’ADSL optent pour la fibre optique afin d’accompagner l’évolution de leurs besoins de bande passante, notamment pour l’IPTV, le gaming et les visio-conférences accompagnant l’essor du télétravail. En parallèle, certains foyers souhaitant s’équiper d’Internet filaire en complément d’Internet mobile, par souci d’optimisation du budget de la famille et d’accomapagner des usages scolaires ou de divertissement, ne sont pas éligibles à la fibre ou la trouvent encore trop chère. Ceux-ci se tournent malgré eux vers l’ADSL, technologie d’un autre âge, mais permettant d’avoir un volume de data illimité à un budget relativement acceptable.

Comment faire pour atteindre les objectifs de Morocco Digital 2030 dans ces conditions? Les entraves sont, à mon avis, essentiellement de nature réglementaire et concurrentielle.

Commençons par comparer les offres des 3 opérateurs (hors promotions), celles de 20 Mb/s ne pouvant pas être considérées comme des débits de fibre optique.

Un foyer aujourd’hui équipé en ADSL, à un prix généralement situé entre 200 et 250 Dh/mois, et qui souhaite se tourner vers la fibre optique, serait tenté par une offre d’Orange ou d’Inwi à 349 Dh/mois. Problème : ces 2 opérateurs ne couvrent que des zones très limitées et plutôt denses dans les grandes villes. S’il opte pour Maroc Telecom, à la couverture beaucoup plus étendue, il devra débourser minimum 500 Dh/mois, soit au moins le double de ce qu’il paye pour l’offre ADSL. Dans une période de forte inflation et de crise du pouvoir d’achat, peu se tournent finalement vers cette solution.

Mais pourquoi l’offre de Maroc Telecom est aussi chère? Il s’agit d’une obligation de l’ANRT qui ne permet pas à l’opérateur historique de commercialiser son offre de fibre optique à moins de 500 Dh/mois, avec comme objectif de favoriser les 2 autres opérateurs, et d’éviter la situation de quasi-monopole de l’opérateur historique qui a longtemps prévalu dans l’ADSL.

Problème : ça ne marche pas. Orange et Inwi se concentrent sur les zones urbaines les plus denses (et donc les plus rentables). Maroc Telecom qui a une politique d’investissement dans la fibre plus volontariste, est beaucoup plus cher. On se retrouve donc dans un marché où la concurrence est faussée par une décision du régulateur.

Résultat : Un taux de pénétration de la fibre, nettement en deça du potentiel du marché et des objectifs gouvernementaux, en plus de prix pratiqués par les opérateurs marocains nettement plus élevés que ceux pratiqués par des opérateurs européens, qui fournissent des débits jusqu’à 10 fois supérieurs. Il suffit de parcourir des comparatifs français, espagnols, portugais, ou britanniques pour s’en rendre compte.

Source : European Broadband and Operators Benchmark, by Point Topic, Q2 2024. Inclut les offres ADSL, cable et fibre.

Comment remédier à cette situation? Par des leviers essentiellement réglementaires.

D’abord, en levant toute contrainte tarifaire pour les opérateurs et laisser la concurrence libre s’installer entre eux. Il est inconcevable d’obliger un opérateur à commercialiser son offre à un prix minimum, comme cela se fait aujourd’hui.

Ensuite, obliger les opérateurs à partager leur infrastructure en instaurant la mutualisation des réseaux de fibre. Cela aura pour intérêt d’éviter que les clients ne se retrouvent bloqués chez un opérateur, de favoriser la concurrence sur les prix et la qualité de service, mais aussi d’éviter que chacun des opérateurs ne creuse des tranchées pour son propres réseau, comme c’est souvent le cas dans nos villes.

Dernière mesure, et non des moindres : ouvrir le marché de la fibre optique à des opérateurs d’infrastructure comme cela est d’usage dans d’autres pays. Opérateurs spécialisés dans l’installation de réseaux de fibre, ceux-ci les louent ensuite aux opérateurs télécoms qui peuvent y commercialiser les offres qu’ils souhaitent. Qu’elles soient faites sur des initiatives purement privées (notamment dans les zones urbaines les plus denses) ou en partenariat avec des collectivités locales (régions, communes…) et/ou des partenaires publics (notamment dans des zones moins denses), ceci a pour principal avantage d’alléger les Capex des opérateurs télécoms et de favoriser la connectivités des territoires qui ne sont pas prioritaires (et suffisemment rentables).

Dans un secteur aussi oligopolistique que les télécoms, l’intervention du régulateur est déterminante pour un développement efficient des réseaux. L’ANRT se doit de réinventer les règles pour ne pas entraver le développement de la fibre optique, et se retrouver dans un Maroc mal connecté à horizon 2030.

Cette tribune a été publiée sur Médias24.

Maroc Telecom : une des marges les plus confortables au Monde?

 

Les marocains n’en finissent plus de se plaindre de leurs opérateurs de télécommunications. Un appel a été publié par des blogs marocains appelant à une meilleure qualité de service et à des prix plus abordables pour les marocains. Les débits Internet (mobile 3G surtout) deviennent ridicules, les bridages ne se comptent plus, et la couverture comporte de plus en plus de zones d’ombre à travers le pays. Le consommateur se sent lésé face à un régulateur quasi-absent et un sentiment d’entente sur les prix. Un argument qui revient souvent, est celui de l’importance des investissements consentis par les opérateurs. Il se doivent d’appliquer un certain niveau de prix pour assurer une rentabilité financière qui garantirait la pérennité du service. Soit. Penchons nous alors sur le cas de l’opérateur historique.

Maroc Telecom réalise depuis quelques années des résultats remarquables. Un chiffre d’affaires de 31,7 milliards de DH pour un résultat net 9,5 milliards de DH, entièrement distribué aux actionnaires. Soit un résultat net supérieur à celui de toutes les banques marocaines cotées réunies!

Il existe un indicateur financier très simple à utiliser appelé “Marge nette”. Il est égal au résultat net divisé par le chiffre d’affaires. En gros, cet indicateur mesure quel est le résultat net que l’entreprise réalise en moyenne à chaque fois qu’elle vend un produit ou un service pour 100 DH. Qu’en est-il de Maroc Telecom?

La marge nette de l’opérateur historique s’est élevée à 30%! En gros, quand vous rechargez votre mobile, ou payez votre facture Internet de 100 DH, 30 DH sont un bénéfice net de l’opérateur, après avoir payé toutes ses charges, amorti ses investissements, et payé ses impôts! Cette marge astronomique n’est pratiquement atteinte nulle part ailleurs dans le monde! Examinons les chiffres du tableau ci-dessous :

Quand on lit les chiffres, on se rend compte que même les plus gros opérateurs historiques européens restent dans des marges nettes très raisonnables. Celles de Deutsche Telecom, Telefonica ou France Telecom oscillent entre  4 et 17%. Dans les pays arabes, les marges sont nettement plus élevées, mais seul Telecom Egypt réussit l’exploit de dépasser (d’un petit point) notre Maroc Telecom national.

A qui profite cette situation, et qui en est responsable? L’Etat ne semble pas s’en plaindre. Maroc Telecom lui verse de généreux dividendes (2,85 milliards de DH) et des rentrées d’impôts astronomiques (à peu près 5 milliards de DH en 2010). Les autres opérateurs non plus. L’ANRT semble vouloir maintenir un niveau élevé des prix sur le marché, pour préserver la santé financière des deux autres opérateurs, Méditel et Inwi.

Qui en souffre? Le consommateur, cela va de soi. Et la balance des paiements du Maroc. Celle-ci est en net déficit depuis quelques années, et les choses ne devraient pas s’arranger. Les sorties en dividendes restent très importantes. C’est le prix à payer pour des investissements étrangers nous dit-on. Mais ce qu’on nous dit moins, c’est qu’il existe des moyens fiscaux pour limiter ces sorties de devises sous forme de dividendes. En imposant ces derniers, ou en instaurant des mesures fiscales favorisant le réinvestissement des bénéfices.

Mais en attendant, Vivendi remercie chaleureusement tous les marocains qui ont contribué à réaliser les bénéfices de sa filiale la plus rentable au Monde!

Comparatif des tarifs GSM au Maroc : Inwi, Méditel et Maroc Telecom – Novembre 2010

Après avoir passé quelques mois à observer le comportement du nouvel entrant sur le marché GSM, IAM et Méditel sont passés à l’offensive en réduisant significativement leurs tarifs, et rendant leur lecture beaucoup plus simple. Ils répondent ainsi à une forte attente des consommateurs qui cherche à communiquer moins cher, tout en ayant de la visibilité sur ce qu’ils paye vraiment.

Cette offensive d’IAM et de Méditel s’explique également par l’effritement de leurs parts de marché au profit d’Inwi. Selon les derniers chiffres de l’ANRT, Inwi est passé à plus de 10% de parts de marché, en moins d’un an d’existence! Mais à y regarder de plus près, l’explication est ailleurs. Avec un taux de pénétration qui avoisine les 97%, il ne faut surtout pas croire que 97% des habitants sont équipés d’un téléphone portable. Le dénominateur du ratio étant le nombre d’habitants au Maroc, le chiffre inclut donc des bébés, des enfants, des personnes vivant dans des zones non couvertes… Cela peut s’expliquer uniquement par un taux multi-équipement de plus en plus élevé. Les opérateurs sont parfaitement conscients que beaucoup de consommateurs utilisent plusieurs cartes SIM à la fois, afin de bénéficier des tarifs les plus avantageux, en fonction de l’opérateur de la personne appelée. Et c’est justement une des raisons qui a sans doute poussé IAM et Méditel à unifier leurs tarifs, quelque soit l’opérateur, en espérant regagner des parts de marché dans les mois à venir.

IAM et Méditel se sont donc alignés sur Inwi en offrant un tarif unique vers tous les opérateurs à toute heure de la journée. Ce tarif est actuellement de 3,6 DH / minute pour les deux opérateurs. Par contre, ils continuent à facturer suivant une première minute indivisible, puis des paliers de 20 secondes pour IAM et de 30 secondes pour Méditel.

Résultat, il devient encore plus difficile de comparer les prix, tant les prix sont proches. Le graphe et le tableau suivant peuvent en témoigner  :

Corriger les prix des communications par l’effet des doubles recharges n’est pas vraiment utile pour cette fois. Inwi s’y est mis aussi, et il suffit de diviser les prix par deux pour obtenir le prix réel des communications. De plus, les opérateurs misent sur des offres ponctuelles, mais de moins en moins compréhensibles par les consommateurs (double recharge avec bonus, minutes de bonus le soir…), ce qui rend la comparaison en incluant cet effet encore plus difficile.

Quel est donc l’opérateur le moins cher en prépayé? Tout dépend de votre profil de consommateur. Si vous n’appeler que pour des durées généralement courtes (moins d’une minute), Inwi devrait vous convenir parfaitement, à condition que vous soyez satisfaits de la qualité du réseau. Mais si vous appelez pour des durées plus longues, optez plutôt pour IAM ou Méditel, avec un avantage pour ce dernier qui propose des formules assez innovantes pour les personnes qui préfèrent appeler en journée, en soirée, ou pendant des durées assez longues.

Aura-t-on droit à de nouvelles baisses dans un futur proche? Il semble bien que non. Bien que les tarifs d’interconnexion entre opérateurs devraient baisser petit à petit d’ici 2013, une nouvelle baisse n’est pas acquise. Mais seul l’avenir nous dira comment les opérateurs réagiraient si la baisse des parts de marché de IAM et de Méditel se confirme.

Message de service aux employés d’Inwi : Merci de plus poster de commentaires en vous faisant passer pour de simples consommateurs.

Petite image en bonus d’une antenne GSM sous forme d’un palmier à Marrakech!


Comparatif des forfaits et abonnements GSM de Maroc Telecom, Méditel et Inwi

Les 3 opérateurs marocains de téléphonie mobile ont récemment remodelé leurs offres de forfaits et abonnements post-payés, ce qui semble être une conséquence directe de la baisse des tarifs d’interconnexion décidée par l’ANRT.

Incluant plus de gratuités qu’auparavant, ces offres visent à convertir un maximum d’abonnés prépayé vers du postpayé. L’objectif final est de maximiser l’ARPU (Average revenue per user, ou revenu moyen par utilisateur) des opérateurs, qui est aujourd’hui de l’ordre de 91 Dh pour Maroc Telecom et 43 Dh pour Méditel (celui d’Inwi n’est pas encore connu).

Ci-dessous un tableau comparatif de 3 offres représentatives de l’entrée de gamme, moyen de gamme, et du haut de gamme des forfaits post-payés de Maroc Telecom, Méditel et Inwi.

Une première analyse du tableau fait ressortir une grande similitude entres les offres. Les trois opérateurs ont plus ou moins aligné leurs offres, et il n’existe plus de grandes disparités sur le marché.

Mais il semble tout de même que Méditel sort gagnant de ce comparatif. Malgré des prix un petit peu plus élevés que ses deux concurrents (pas plus de 20 Dh à chaque fois), il propose pour tous ses forfaits une durée équivalente après épuisement, utilisable  les soirs, weekend et jours feriés vers tous les opérateurs nationaux et vers les fixes de France, d’Espagne, d’Italie, de Belgique, de Royaume Uni, d’Allemagne, des Etats Unis et du Canada.

L’offre de Maroc Telecom est assez proche, mais impose quelques limitations. Les minutes offertes après épuisement du forfait ne sont pas aussi généreuses que celles de Méditel, la durée de communication vers le numéro illimité est en fait limitée à 30h par mois, et le débit est baissé à 128 Kb/s une fois le seuil de 4 Go de téléchargements est dépassé.

Quant à Inwi, l’offre peut sembler à priori très intéressante, si ce n’est le nombre assez faible des abonnés Inwi. L’opérateur semble beaucoup miser sur l’effet réseau en offrant des communications illimitées vers les numéros Inwi, mais sera pour le moment limité par sa faible pénétration du marché (10% selon les derniers chiffres de l’ANRT – Septembre 2010). L’opérateur souffre également de sa couverture réseau plus faible que celle de ses concurrents, mais qui sera amenée à s’améliorer durant les prochains mois. Cependant, on peut facilement imaginer des familles entières s’équiper en cartes SIM Inwi, et bénéficier de communications gratuites entre tous ses membres.

L’autre bonne nouvelle de ces offres, c’est que tous les opérateurs offrent une connexion Internet à leurs abonnés post-payés. Ce qui ne pourra que favoriser la pénétration d’Internet mobile sur le marché, et développer de nouveaux usages du téléphone mobile. En attendant l’apparition d’applications mobiles spécifiques au marché marocain…

Le défi des opérateurs d’augmenter leur ARPU tout en offrant plus de temps de communication à leurs abonnés semble bien parti. Espérons qu’ils continueront à innover en incluant de nouveaux services dans leurs offres à des prix encore plus compétitifs!

Plus de détails sur les offres post-payés :

Comparatif des tarifs GSM au Maroc : Inwi, Méditel et Maroc Telecom

Les chiffres de ce post étant obsolètes, merci de vous référer au dernier comparatif des tarifs de GSM prépayé au Maroc.

Le lancement récent d’Inwi a certainement bousculé le paysage de la téléphonie mobile au Maroc, ne serait-ce que par l’introduction de la tarification à la seconde. Longtemps réclamée par les consommateurs, qui s’attendaient plutôt à une décision règlementaire de l’ANRT permettant aux consommateurs de ne payer que ce qu’ils ont consommé, la solution est finalement venue du dernier venu dans le monde GSM au Maroc. Mais cela poussera-t-il les autres opérateurs à adopter le même mode de facturation? Rien n’est moins sûr!

Méditel et Maroc Telecom mettent aujourd’hui en valeur leur tarification plus avantageuse que celle d’Inwi. Avec le système des doubles (voire triples) recharges, les 2 opérateurs pratiquent en réalité des prix bien inférieurs à ceux d’Inwi, une fois un certain palier dépassé.

Un tour dans les sites web des 3 opérateurs permet de dresser le tableau suivant :

Tableau comparatif des tarifs GSM en prépayé des 3 opérateurs au Maroc

Si on prend en compte des recharges en prépayé uniquement effectuées pendant les périodes de promotion de double recharge (ce qui est pratiquement le cas pendant toute l’année!), on peut comparer les prix des communications comme suit :

Tableau comparatif des tarifs GSM en prépayé des 3 opérateurs au Maroc (corrigés des promotions de double recharge)

Première remarque, le système de tarification de Méditel et Maroc Telecom est bien trop compliqué pour les consommateurs. Un récent sondage l’a d’ailleurs souligné, les marocains ne font plus confiance aux promotions des opérateurs, tant le système est complexe et peu transparent. Et Inwi l’a bien compris en introduisant une tarification unique vers tous les opérateurs, quelle que soit l’heure de la journée.

Deuxième remarque, les prix restent chers, au point que l’Union Internationale des Télécommunications a classé le Maroc comme 2ème pays arabe le plus cher en terme de communication mobile, après les Iles Comores.

Troisième remarque, les opérateurs font peu d’efforts pour convertir leur clientèle prépayée en clientèle post-payée… La première représente 95% du parc total, et même les plus aisés d’entre eux ne semblent pas motivés à sauter le pas, et à souscrire à un abonnement, tant les avantages ne sont pas importants par rapport à la liberté de recharger son téléphone quand on veut.

Avec un taux de pénétration de 80%, les opérateurs devront désormais se battre pour fidéliser et garder leur clientèle. Il en va surtout de leur santé et de leur pérennité financière!