Cela fait plusieurs fois maintenant, que le roi souligne dans ses discours l’importance de la formation professionnelle comme débouché pour les jeunes. Il a encore insisté dessus lors du discours du 20 août 2019 :
A cet égard, Je tiens une nouvelle fois à souligner l’importance de la formation professionnelle pour la qualification des jeunes, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines. Grâce à une insertion professionnelle réussie, ces jeunes deviendront productifs et contribueront au développement du pays.
En effet, l’obtention du baccalauréat et l’accès à l’université ne constituent pas un aboutissement en soi. Ce sont des étapes dans le parcours académique. Ce qui importe vraiment, c’est d’acquérir une formation qui ouvre des perspectives d’insertion professionnelle et de stabilité sociale.
Je ne me lasserai donc jamais de mettre en avant le rôle de la formation professionnelle, du travail manuel dans l’insertion des jeunes.
Revenons 20 ans en arrière. A la fin du règne de Hassan II (et prolongée à l’intronisation de Mohammed VI) , une Commission spéciale éducation-formation (Cosef) avait été constituée pour établir les bases de réforme du système éducatif marocain, déjà très mal en point.
Un des objectifs énoncés était de généraliser l’enseignement fondamental, avec des objectifs chiffrés sur la cohorte 1999-2000, qui devait être suivie à différentes étapes de sa scolarisation.
Les objectifs étaient clairs et ambitieux (on les trouve toujours sur le site du Ministère de l’Education Nationale) :
“Aux horizons ci-après, les élèves inscrits en première année du primaire parviendront :
– En fin d’école primaire, pour 90% d’entre eux en 2005;
– En fin d’école collégiale, pour 80% d’entre eux en 2008 ;
– En fin d’enseignement secondaire (y compris la formation professionnelle et technologique, l’apprentissage et la formation alternée), en 2011, pour 60% d’entre eux ;
– A l’obtention du baccalauréat, pour 40% d’entre eux, en 2011″
Quelques années plus tard, les résultats sont édifiants et sans appel :
Pour la cohorte 2002-2013 : 34% ont terminé le primaire (2007), 19% ont terminé le collège (2010), 7% le secondaire (2013) et à peine 4% ont obtenu le baccalauréat.
Face à cet échec monumental, on en est 20 ans après à recommander une redirection massive vers la formation professionnelle. Outil pour résorber le chômage? Vraiment?
Le HCP a publié une étude en 2018 sur l’insertion professionnelle des lauréats de la formation professionnelle. Verdict : « L’analyse des résultats montre que le rendement externe de la formation professionnelle, en termes de chômage de ses promotions comme en termes d’adéquation de leur formation à l’emploi, est très largement moins favorable à celui des promotions de leurs homologues issus de l’enseignement général ».
Les lauréats de la formation professionnelle enregistrent un taux de chômage de 24,5% tandis que celui des diplômés de l’enseignement général est de 16%.
Dans un monde du travail qui est déjà en train d’être bouleversé par l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation à outrance, il est inconcevable de pousser des millions de jeunes vers des formations manuelles dans des métiers comme le câblage automobile/aéronautique appelés à être massivement robotisés, ou les métiers de centres d’appels déjà en train d’être remplacés par l’IA (beaucoup d’experts prévoient leur disparition à un horizon de 10 ans).
La seule explication de tout cet acharnement pour diriger un maximum de marocains vers la formation professionnelle, est une volonté de produire des sujets soumis, sans sens critique, et non des citoyens avertis et formés dans les sciences humaines et sciences exactes.
Et cela rappelle étrangement une anecdote racontée par Pr. Mohamed Chafik, ex-directeur du collège royal. Il fut chargé par Hassan II en 1968, d’élaborer un rapport sur les écoles coraniques. La conclusion du rapport du Pr. Chafik était sans équivoque : les msids cultivent la culture de la soumission, en empêchant le développement de tout sens critique et affaiblissent la personnalité de l’enfant, en utilisant les châtiments corporels et l’apprentissage répétitif.
Au lieu de supprimer ou limiter l’expansion des écoles coraniques, Hassan II ordonna leur généralisation au détriment des écoles modernes, censées inculquer les valeurs d’ouverture et du sens critique. Avec les résultats que l’on connait.
50 ans plus tard, le schéma semble se reproduire.