TGV au Maroc : La gabegie continue. 65% d’augmentation du budget sans aucune explication

 

Importante mise au point : Plusieurs organes et agences de presse (AFP, Reuters…) ont rapporté que le coût total du TGV Tanger-Casablanca était de 33 milliards de DH. De son coté, la MAP avance un chiffre de 20 milliards pour toute la ligne TGV Tanger-Casablanca. Sur le site de l’ONCF, l’office précise que le coût les 20 milliards de DH ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra, et que la mise à niveau du trançon Kénitra – Casablanca pour permettre la circulation du TGV sera financée par une partie du contrat programme avec l’Etat dont le montant global s’élève à 13 milliards de DH. Une information plus précise vient d’être rendue publique le 30 septembre dans la note d’information publiée par le CDVM accompagnant l’émission obligataire d’un montant de 1,5 milliards de l’ONCF. Cette note nous confirme (pages 132 à 134) que les 20 milliards ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra. Elle précise également que les travaux de mise à niveau de la ligne de Kénitra – Casablanca devraient coûter 4,5 milliards de DH et que la mise à niveau des gares (sans préciser lesquelles) devrait coûter 730 millions de DH. On est donc en mesure aujourd’hui, de confirmer que la ligne TGV Tanger-Casablanca ne coutera pas 20 milliards de DH, mais un montant compris entre 20 et 25,2 milliards. La note d’informations du CDVM pouvant être considérée comme fiable, on peut aujourd’hui confirmer que le montant avancé par la MAP est sous-estimé, et que celui avancé par l’AFP et Reuters est surestimé. Je présente mes excuses aux lecteurs de ce blog qui ont pu être induits en erreur par le chiffre initialement avancé de 33 milliards de DH comme coût de la ligne TGV Tanger – Casablanca. Ceci dit, cette mise au point n’enlève rien à la pertinence du débat sur l’utilité même de ce projet.

 

Cette semaine devrait avoir lieu à Tanger la cérémonie de pose de la première pierre du projet de ligne à grande vitesse destinée à accueillir le TGV Tanger-Casablanca. Ce projet lancé à la surprise générale en octobre 2007 lors de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc, continue de susciter beaucoup de débat concernant son utilité, mais aussi sur son coût exorbitant.

Le coût du projet avancé jusque là était de 20 milliards de DH, soit un peu moins de 2 milliards d’euros. Et au début de ce mois-ci, une autre surprise attendait le contribuable marocain : le coût prévisionnel du projet n’est plus de 20 milliards, mais bien de 33 milliards de DH (~3 milliards d’euros) ! Oui , vous avez bien lu, une augmentation de 13 milliards de DH (plus d’un milliard d’euros), soit 65% d’augmentation, sans qu’aucune explication ne soit fournie!

Comment se fait-il qu’un montant aussi exorbitant soit resté prisonnier des tiroirs administratifs, et qu’aucune information n’ait filtré dessus, jusqu’au moment du lancement effectif par les deux chefs d’états. Comment se fait-il qu’aucune discussion n’ait eu lieu au parlement, censé représenter le peuple marocain, dans un projet aussi exorbitant et engageant pour les finances de l’Etat marocain? La nouvelle constitution tant vantée par le Makhzen ne permet-elle pas un contrôle accru des représentants du peuple sur les finances publiques?

Ne soyons pas naïfs. Il existe une catégorie de projets sur lesquels les parlementaires et les ministres n’ont aucun droit de regard. Des projets tombés d’en haut. Exécutez, trouvez du financement, et venez présenter sur un tapis rouge. De préférence devant beaucoup de caméras. Quid des règles de base de gouvernance économique, des études d’utilité, de rentabilité et d’impact socio-économique, de l’état des finances publiques? Quelle hérésie!

Pour ce manque de transparence, le Maroc s’est vu infligé un sérieux revers en novembre 2010 devant une grande institution financière. La Banque Européenne d’Investissement a rejeté une demande de prêt du Maroc d’un montant de 400 millions d’euros destinés à financer le projet de TGV. Motif? Le contrat concernant les rames TGV n’a fait objet d’aucun appel d’offres, et été octroyé de gré à gré à Alstom. L’Allemagne n’a pas du tout apprécié, et aurait souhaité que d’autres constructeurs (Siemens par exemple) participent à un appel d’offres. Face à ce trou de financement, le Maroc a été obligé de “solliciter” les monarchies du Golfe pour des “dons” visant à boucler le financement de ce gargantuesque projet.

Une question se pose avec insistance. Les finances publiques marocaines connaissent de sérieuses difficultés, de l’aveu même de notre porte parole national préféré. Un déficit budgétaire de 6% est à prévoir pour fin 2011. Et avec le nouveau ralentissement de l’économie mondiale et la crise de la dette européenne, les choses ne devraient pas s’améliorer de sitôt.

Pourquoi ne pas prendre exemple sur l’Argentine, pays pourtant beaucoup plus riche que le Maroc? Le pays avait prévu de construire une ligne de 750 Km entre Buenos Aires et Cordoba pour un coût de 1,35 milliards de dollars, soit un coût 6 fois inférieur à celui du TGV Tanger-Casablanca (3 milliards d’euros pour 350 Km)! Malgré ce coût relativement raisonnable, le pays a suspendu le projet face à des problèmes de financement et de rationnement des dépenses de l’Etat.

Au Maroc, de tels projets sont très rarement remis en cause, peu importe l’état des finances publiques, et du vrai impact de ces projets sur la vie des marocains. On les mets devant le fait accompli, et en cas de déboires, le contribuable marocain passe à la caisse.

Mais revenons 100 ans en arrière. Rappelez vous de la première décennie du XXe siècle. Un certain sultan My Abdelaziz, fan de gadgets venus d’Europe avait fait installer un train dans son palais de Fès (cf “Morocco That Was“, Walter B. Harris, 1921). Ses caprices ont fait l’affaire des marchands européens qui n’hésitaient pas à lui dénicher les gadgets les plus originaux et le lui revendaient au prix le plus fort. Les caisses de l’Etat furent rapidement vidées et les puissances européennes ne pouvaient que s’en réjouir. Quelques années plus tard, le traité de protectorat franco-espagnol fut signé.

Quand on voit l’humiliation que subit aujourd’hui le peuple grec face à sa crise de dette, la déroute où l’ont mené des politiciens sans scrupules, et aux pressions sans fin de ses créanciers, on espère juste que l’histoire ne soit pas un éternel recommencement pour le Maroc…

Articles de presse parlant du budget initial de 20 milliards en 2010 :

 

Quelques liens :

12 mesures pour restaurer la confiance des marocains dans les élections

Moins de trois mois nous séparent de la date à priori fixée pour les élections législatives anticipées, prévues le 25 novembre 2011. Le ministère de l’intérieur a tout fait pour avancer le plus rapidement possible la date de ces élections. Beaucoup pensent que c’est une manière pour le Makhzen de mettre fin aux manifestations hebdomadaires du mouvement du 20 février. D’autres pensent que c’est surtout pour empêcher les partis “sérieux” de se préparer à des élections cruciales.

La plus grosse question à se poser, à mon avis, reste la mobilisation des électeurs. Comment éviter le fiasco de 2007 où seulement 37% des électeurs inscrits se sont déplacés pour voter, avec 19% de votes nuls (pas de différence entre bulletins blancs et nuls au Maroc…) soit 1 million de votes?

Il existe une réelle fracture au Maroc entre politiciens et citoyens. D’un coté, la concentration des pouvoirs aux mains du roi, encore présente dans la “nouvelle” constitution, laisse penser que le gouvernement n’est qu’un simple exécutant de la politique royale. Pourquoi donc aller voter pour un parlement, si la majorité n’applique pas le programme pour lequel elle a été élue? Le débat sur cette question est long et complexe dans le cas du Maroc. Et la nouvelle constitution, n’aura pas arrangé grand chose à mon avis.

Deuxième cause de cette fracture, est la perte de confiance dans l’élite politique du pays. Le citoyen assiste impuissant à une sorte de cirque incessant, entre le premier ministre qui nomme sa famille au sein de postes clés dans le pays,  les parlementaires impliqués jusqu’au cou dans des affaires pénales mais continuent de bénéficier de l’immunité parlementaire, en passant par l’incompréhensible immunité de certains ministres impliqués dans différentes affaires . Le cas de Moncef Belkhayat est éloquent : achat d’une Audi A8 à 1,2 millions de DH par son ministère, affaire Bull, attribution des marchés d’architecture des centres sociaux à une proche….

Troisième cause de désintérêt pourrait être le sentiment que les élections ne sont pas si transparentes que cela. Certaines pratiques ont peut-être disparu (bourrage d’urnes…), mais d’autres ont la vie dure : achat de voix, découpage électoral biaisé, soutien des agents de l’autorité (chioukhs et mqadems)…

Comment redonner aux marocains confiance dans le système politique qui les gouverne? Ce serait très ambitieux de changer des mentalités et des attitudes qui ont eu la vie dure pendant des décennies en quelques mois, mais je pense personnellement que certaines mesures pourraient redonner aux marocains confiance dans leur système électoral, et à travers lui, la classe politique qui va en émerger.

Voici une liste de 12 mesures non exhaustives capables à mon avis de restaurer, au moins partiellement, cette confiance :

1- Organisation des élections par une instance indépendante : A ma connaissance très peu de partis politiques réclament des élections organisées par une instance indépendante du Ministère de l’Intérieur (MI). Le passif de celui-ci en matière de fraudes électorales est très lourd : utilisation des chioukh et mqadems qui sont sous tutelle du ministère, utilisation des moyens très importants du MI dont ils disposent pour faire pencher le camp d’un candidat ou un autre (renseignements généraux, DST entre autres…), sans parler d’un savoir faire hors du commun en matière d'”ingénierie électorale” capable de façonner les majorités. Comment garantir la neutralité de l’Intérieur dans le scrutin? Garantir au scrutin une transparence et une indépendance totale, reviendrait à en accorder l’organisation à une instance indépendante et permanente en charge uniquement de l’organisation des élections. Énormément de pays en disposent, et les bons exemples desquels on peut s’inspirer ne manquent pas.

2- Découpage électoral fait sur des critères objectifs : Tous les acteurs politiques marocains s’accordent sur l’adage “Laisse moi établir un découpage, et je te sors une majorité”. Dans les vraies démocraties, c’est la parlement qui décide du découpage électoral, et non le Ministère de l’Intérieur qui peut ajuster à sa guise les circonscriptions électorales. Comment? En accentuant les inégalités en matière de représentation des circonscriptions rurales par rapport aux urbaines, les premières étant réputées conservatrices. On peut également intégrer des quartiers huppés à des quartiers défavorisés de manière à avantager un parti ou un autre. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un coup d’œil aux résultats des élections législatives de 2007. Le classement des partis par siège ne correspond pas à celui des voix. Le PJD était clairement premier par le nombre de voix, mais a été devancé par l’Istiqlal en nombre de sièges. L’influence, on le verra, du mode de scrutin est aussi présente dans cette anomalie. En règle générale, le découpage doit se faire sur des critères objectifs, avec des circonscriptions à des populations sensiblement égales, de tailles réduites (pour faciliter le travail des élus), avec des règles géographiques logiques. Le sujet et très vaste et beaucoup de lectures sont nécessaires pour le maitriser.

3- Instaurer l’obligation de vote : Sans doute, la mesure la plus difficile à appliquer. Pourquoi obliger des citoyens libres à voter dans un pays démocratique? La question fait débat, mais ce qui m’intéresse dans la question est son coté pratique. Obliger tous les électeurs d’une circonscription à voter empêche les achats de voix massifs que peuvent opérer certains candidats. Aucun ne pourra corrompre toute une circonscription. Cela revient à réduire, voire anéantir, l’effet d’achat des voix. Comment appliquer cette obligation? Ce n’est pas une question simple, mais on pourrait penser à un système d’amendes pécuniaires ou de privation de délivrance de documents administratifs pendant une certaine période si l’électeur ne vote pas. Là aussi, il faudrait prendre exemple sur des pays qui l’ont déjà fait : Brésil, Turquie, Belgique… Quid de ceux qui s’abstiennent par choix? Ils n’ont qu’à voter blanc!

4- Retour au scrutin uninominal : L’actuel mode de scrutin par liste (ou proportionnel multinominal à plus fort reste) a eu pour principal effet, l’éloignement de élus de leurs circonscriptions. Celles-ci sont devenues beaucoup plus grandes, et certaines ont jusqu’à 4 représentants. Comment est-ce que cet élu pourra être proche de son électorat? La notion d'”élu du quartier” a disparu, et beaucoup d’électeurs sont tout simplement incapables de citer le nom de leur(s) représentant(s) au parlement. Comment voulez-vous donc les motiver voter?  Autre problème que pose ce mode de scrutin : l’émiettement du champ politique. Et c’est sans doute issu d’une volonté réelle du Makhzen. Il est logiquement impossible à un parti aujourd’hui d’avoir une majorité absolue au parlement vu le mode de scrutin par liste. La règle du plus fort reste complique encore plus les choses en accordant autant de sièges à des partis qui peuvent avoir un nombre de voix très différents (voir exemple dans cet article). Là encore, le paradoxe des élections de 2007, où le parti qui a eu le plus grand nombre de voix n’était pas le gagnant des élections. Revenir à un scrutin uninominal me parait une bonne solution pour ces problèmes.

5- Vote avec Carte Nationale d’Identité : Une des plus importantes revendications des partis politiques. Les CNI étant un moyen d’identification sûr et pratique, ce serait un gage important de transparence dans les élections. Les électeurs n’auront plus à se déplacer pour avoir leurs cartes d’électeurs, qui sont de plus, facilement falsifiables. Elles garantissent un vote unique et sécurisé.

6- Inscription automatique sur listes électorales : Un des fléaux de la “démocratie marocaine” reste le faible taux d’inscription aux listes électorales. Sur un potentiel de 20 millions de marocains en âge de voter, seuls 13 millions sont inscrits. Renseignez vous dans votre entourage, et vous vous apercevrez qu’énormément de personnes ne sont pas sur des listes électorales, et donc incapables de voter le jour J. Les raisons sont diverses et variées : manque de temps, ignorance, négligence… L’État dispose de suffisamment de moyens pour identifier les personnes en âge de voter (plus de 18 ans), notamment via les registres de la CNI. De la même manière, les décédés doivent être automatiquement retirés de ces listes. Un simple calcul ((taux de participation x nombre d’inscrits) – votes blancs) permet de ressortir que moins de 4 millions de personnes ont choisi les représentants de 30 millions de marocains en 2007. Absurde, non?

7- Vote sans enveloppe : Mesure pouvant paraitre illogique, mais efficace pour lutter contre les achats de voix. Les candidats véreux s’employaient ces dernières années à corrompre les électeurs, non pas en s’assurant qu’ils ont bien voté pour eux (i.e. cocher une case dans une feuille unique), mais en s’assurant qu’ils n’ont voté pour personne! Le seul moyen de s’en assurer, était de ramener la feuille de vote au candidat. L’électeur n’aura donc mis qu’une enveloppe vide. Pour que cette mesure soit efficace, il faudra s’assurer que les feuilles de vote sont infalsifiables, et clairement identifiables lors de la mise en urne (tampon, symbole spécial…). Le problème des téléphones portables qui prennent des photos dans l’isoloir restera néanmoins posé…

8- Tout candidat doit avoir un baccalauréat au minimum : Comment autoriser un élu de la nation à siéger au parlement, légiférer, sans avoir un niveau minimal d’éducation? Il me semble qu’avoir le baccalauréat en 2011 pour un député est le minimum syndical…

9- Audit fiscal des entreprises possédées par les candidats : Beaucoup de candidats sont intéressés par l’immunité parlementaire plus qu’autre chose… La nouvelle constitution a interdit d’utiliser l’immunité parlementaire à des fins autres que politiques, mais on ne sait pas encore comment cela va être décliné dans la réalité. Soumettre les entreprises possédées par les candidats à un audit fiscal me parait comme une mesure nécessaire. Cela garantirait au moins que le candidat n’utilisera pas son immunité pour échapper au fisc.

10- Casier judiciaire vierge pour tout candidat : Me parait comme mesure élémentaire. Un candidat doit avoir prouvé son intégrité et sa probité par le passé. Les peines dues à des activités politiques ou syndicales, ou ayant lien avec la liberté d’expression, sont bien sur à bannir de ces conditions.

11- Publier le code source du logiciel qui gère les élections : Cela peut paraitre farfelu, mais personne ne sait comment fonctionne ce fameux logiciel central utilisé par le ministère de l’intérieur pour calculer et collecter les résultats des élections. C’est une vieille revendication de M. Mohamed Zanane, qui donnerait un gage de transparence de plus.

12- Interdire à Abdelouahad Radi de se représenter : Député de la région du Gharb depuis 1963, soit bien avant l’arrivée de Kadhafi au pouvoir en Libye, M. Radi a battu tous les records de longévité parlementaire. Il est temps pour lui de laisser sa place aux jeunes et de se trouver une autre activité à plein temps. L’agriculture par exemple?

Appliquer une bonne partie de ces mesures me parait un minimum pour restaurer la confiance des marocains dans leur système électoral et politique. La précipitation du Ministère de l’Intérieur dans l’organisation des élections législatives n’augure rien de bon. Les mêmes pratiques produiront forcément les mêmes résultats, quelques soient les beaux discours. Et nous nous retrouveront encore face à cette même “élite politique”, stérile, corrompue et incapable de diriger le pays et de le sauver du sous-développement dans lequel il baigne…

 

Quand la science réfute le Makhzen

L’article qui suit est une analyse d’un éminent professeur à l’Ecole Mohammadia d’Ingénieurs, sur le déroulement du référendum du 1er juillet. Beaucoup ont émis des doutes sur les taux de participation (y compris Benkirane du PJD, mais qui s’est rétracté par la suite), et la science confirme que ces doutes sont bien fondés. L’analyse des taux de participation communiqués par le Ministère de l’Intérieur à intervalles régulières durant la journée du vote, laisse apparaitre une manipulation des chiffres, et une volonté d’arriver à un chiffre bien déterminé à la fin de journée. L’enjeu principal de ce vote étant la participation (puisque le référendum était gagné d’avance), le makhzen avait donc tout intérêt à gonfler ces chiffres pour faire passer le projet de constitution avec un important taux de participation, et prouver que ceux qui appelaient au boycott (le mouvement du 20 février entre autres) est ultra-minoritaire. L’analyse du Pr. Hammouche se base sur l’étude du processus stochastique tel que modélisé pour cette journée de vote. Connaisseurs en la matière, admirez l’oeuvre du makhzen!

 

La publication de l’évolution du taux de participation au référendum sur la constitution du 1er juillet 2011 a soulevé une polémique quant à la véracité des chiffres de ce taux. L’analyse suivante aborde le débat sur cette question d’un angle scientifique qui tente une lecture de la réalité autre que politique alliant données et modèles objectifs qui cherchent l’abstraction la plus fidèle de la réalité.

Comme le montre le schéma ci-dessous du modèle du processus de vote au référendum constitutionnel, le taux de participation rapporté dans le temps est le taux de service μ et le taux d’affluence des votants est λ. En général, ces deux taux ne sont pas égaux. Par contre, durant la journée du vote, on utilise, les médias en particulier, l’affluence des votants aux bureaux de vote comme indicateur de l’importance de la participation au scrutin : cette participation est d’autant plus importante que les queues des votants devant les bureaux de vote sont longues. Ces queues se forment quand λ > μ . D’ailleurs, certains votants qui arrivent aux bureaux de vote sont découragés par les longues queues et ne votent pas. Dans ce cas (λ > μ), l’hypothèse de constance de μ peut être envisagée. Cette hypothèse traduit le fait que le nombre moyen de votants que le bureau de vote peut traiter par unité de temps est constant. Dans le cas contraire (λ ≤ μ) le votant qui se présente est, en principe, tout de suite servi et il n’y a pas formation de queues. Ceci implique qu’essentiellement le taux de participation est déterminé dans le temps par le taux d’affluence des votants. Or, d’après les médias et les différents témoignages, ou bien on n’a pas constaté des queues devant les bureaux de vote ou ces queues, quand il y en avait, étaient généralement peu importantes. D’ailleurs nous savons tous que nos médias officiels, en particulier notre chaîne TV Al Oula et 2M nous auraient montré, comme preuve de la forte participation, la multitude de ces longues queues, si elles existaient, devant les bureaux de vote. En l’absence de chiffres sur λ et μ minute par minute, je me suis basé, dans mon analyse sur l’indicateur d’affluence des votants et j’ai donc retenu le cas λ ≤ μ. Il est à noter que, même dans le cas λ > μ, les chiffres rapportés officiellement ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux constatés dans la réalité. Tout dépend de la crédibilité de la source de ces chiffres.

 

 

En retenant le cas où λ ≤ μ, cas le plus vraisemblable d’après ce qui précède, le taux de participation devrait être résultat d’un processus de vote ALÉATOIRE et donc SA VARIATION DANS LE TEMPS DEVRAIT ÊTRE ALÉATOIRE. Or une analyse de régression linéaire des valeurs du taux de participation au référendum constitutionnel donne les résultats suivants :

Heure (h)             Taux particip (T)            Taux modélisé
12                              26                                     25,58
14                              39                                      38,4
16                              48                                      51,22
17                              60                                     57,63
19                          70,62                                   70,45

 

Modèle régression linéaire : T=-51,34+6,41h

Coefficient de régression : R=0,99

Ce modèle montre qu’on est plutôt devant un processus fortement corrélé (R=0,99) et linéaire. Pour que ceci puisse être vrai pour le cas λ ≤ μ, il faudrait que le taux d’arrivée λ des votants aux bureaux de vote soit constant (ici égal à 6,41) ; ce qui présuppose que les votants se mettent d’accord et s’organisent (ou on les organise) pour arriver uniformément (dans le temps et dans l’espace) à ces bureaux. La probabilité qu’on ait ce cas, d’une façon aléatoire, est pratiquement nulle.

Est-ce la magie de l’exception marocaine ?

Amar Hammouche

Professeur à l’Ecole Mohammadia d’Ingénieurs (EMI)
Equipe de recherche IMOSYS
Ingénieur EMI
Ms et PhD Industrial Engineering, USA

 

 

Quelques liens :

* Taux de participation communiqués par le ministère de l’intérieur :

* Si vous voulez calculer vous même la régression linéaire des taux de participation

Interview de Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka (Avril 1963)

 

 

 

 

 

 

 

 

L’interview qui suit a été publiée par Jeune Afrique en Avril 1963. Les deux leaders de l’UNFP (ancêtre de l’USFP) y évoquent les problèmes et l’actualité d’un pays qui sombre dans le sous-développement, après l’expérience avortée du gouvernement de Abdellah Ibrahim. Notez le timing : l’interview a été réalisée 4 mois après l’adoption de la constitution de décembre 1962, boycottée par l’UNFP. Les sujets abordés restent incroyablement d’actualité  en 2011: pouvoirs du roi, création ex-nihilo d’un parti par un ami du roi, corruption dans l’administration, arabisation de l’enseignement, libertés publiques… Cinquante ans après, nous y sommes toujours. Et si on ne fait rien, on sera toujours à traiter des mêmes sujets dans un siècle…

 

« La gauche marocaine riposte »

– Les principaux membres du gouvernement viennent de créer dans votre pays un nouveau parti. Est-ce que ce regroupement est pour vous un péril grave et voyez-vous désormais votre adversaire en M. Guédira?

Nous sommes des hommes sérieux à la tête d’une organisation sérieuse et il est impensable que notre principal adversaire soit un homme aussi inconsistant et aussi dépourvu d’arrières que M. Guédira. Non, il ne faut pas laisser planer la confusion. Notre adversaire réel est celui qui refuse de remplir la tâche qui était naturellement la sienne, c’est-à-dire l’arbitre qui aurait dû se situer au-dessus des partis et qui s’est transformé en chef d’une coalition d’intérêts. Nous voulons parler du roi.

Guédira n’est que son ombre, il n’a aucune existence politique propre, si ce n’est pour exprimer très fidèlement les vues de son maître. Si demain le roi décidait de s’en séparer, il redeviendrait sans doute ce qu’il était, c’est-à-dire rien. Il est facile de constater que lorsque le roi a voulu se séparer des forces populaires, rien de tel ne s’est produit et le Mouvement national est demeuré, sinon intact, du moins très vivant.

Guédira n’est que l’instrument d’une certaine politique du Palais. Et ce n’est pas l’instrument qui nous préoccupe, c’est la politique en question.

 

– Cette politique, quelle est-elle, selon vous ?

Elle paraît à peu près évidente… Il s’agit de poursuivre l’entreprise que le Palais a, depuis l’indépendance,- menée-: -c’est-à-dire l’émiettement  du Mouvement national en une série de partis, de manière à ne pas se trouver face à un adversaire puissant. Le front qui vient d’être créé a évidemment pour objectif de rassembler un certain nombre d’hommes qui dépendent du pouvoir. Ce rassemblement peut se faire soit par des promesses de postes, ou d’avancement, qu’une faction au pouvoir peut facilement faire et peut-être même tenir, soit carrément par la menace.

En somme, ce régime qui prétend, dans la Constitution qu’il s’est donné, interdire le parti unique est en réalité en train d’essayer d’installer son parti unique, c’est-à-dire le parti de l’administration, de la police, etc. Il y arrivera ou il n’y arrivera pas. Je n’en sais tien. Tout ce que je sais, c’est que, s’il y arrivait, ce serait le début d’un véritable régime fasciste.

 

– Ne pensez-vous pas plutôt que le roi, non seulement souhaite que le régime actuel de la multiplicité des partis soit maintenu, mais que, de  plus, il y trouve intérêt ?

En tout cas le Mouvement nationaliste a été victime d’un coup d’État typiquement réactionnaire en avril 1960. Poussé par le prince héritier, le roi Mohammed V nous avait fait quitter le gouvernement contre notre gré, alors qu’un programme était en cours, que des engagement clairs, que pour notre part nous avons toujours respectés, avaient été pris de part et d’autre. L’opposition au gouvernement d’Abdallah Ibrahim, c’était le prince héritier qui la dirigeait de l’intérieur du gouvernement et les pressions qu’il a exercées sur feu Mohammed V ont été suffisamment fortes. Le prince héritier se méfiait de nous. Il disait à son père que nous voulions mettre en question le principe monarchique.

 

– Est-ce que sa méfiance était fondée ?

Voyons, il ne faut tout de même pas oublier que c’est nous qui, en réalité, avons restauré le prestige de la monarchie dans ce pays. Souvenez-vous : depuis le traité du protectorat, depuis le 30 mars 1912, la monarchie était complètement déconsidérée aux yeux du peuple. C’était le « roi des Français » et les Berbères avaient une formule pour le définir: « Agalid Er Roumi ». Depuis 1943, le Mouvement national a restitué à la monarchie la légitimité qu’elle avait perdue. Puis, par un travail incessant, nous avons rendu le roi non seulement légitime, mais populaire. Nous l’avons fait pénétrer dans les foyers et dans les douars.

En 1955, Mendès France, puis Edgard Faure, pour nous faire abandonner ce qu’on appelait alors « le préalable de la libération du roi » nous disaient: « Mais pourquoi insistez-vous pour faire appeler le roi sur le trône » ? Là encore nous avons soutenu la monarchie . Mais tout cela à une condition expresse, qui était claire dans l’esprit de tous: créer nous- mêmes une Monarchie constitutionnelle où le roi aurait été le symbole de la continuité des institutions et où un gouvernement responsable aurait exercé le Pouvoir. En fait, voilà à quoi nous avons abouti :  la Constitution a été octroyée. Elle laisse au roi toute la réalité du Pouvoir. Cela peut amener le pire.

La suite…

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Scandale : Article interdisant les conflits d’intérêt pour les ministres supprimé de la version finale du projet de constitution

 

Après l’utilisation des imams, des enfants, des baltajias et de l’argent pour la campagne du “Oui” au référendum, un autre scandale vient d’être révélé sur les réseaux sociaux. La version quasi-finalisée du projet de constitution, comportait une mention très intéressante qui interdisait aux ministres tout activité commerciale ou conflit d’intérêt durant leur mandat de ministre. Cette mention a été supprimée de la version finale du projet, publiée dans le bulletin officiel, et donc soumise à référendum. On peut comprendre qu’un arbitrage royal puisse trancher entre un état civil ou un état religieux. Mais pourquoi alors supprimer, à quelques heures du discours royal, une mention explicite dans la constitution qui aurait pu contribuer à moraliser la vie politique au Maroc, et éviterait des scandales comme celui de M. Moncef Belkhayat & Bull Maroc par exemple. Serait-ce un lobby de ministrables businessmen qui ne souhaiterait pas lâcher les affaires pendant leurs mandats de ministres?

Voici les deux versions avant et après suppression :

Article 87 soumis au référendum [AR] [FR]  :

Le gouvernement se compose du Chef du Gouvernement et des ministres, et peut comprendre aussi des Secrétaires d’Etat.

Une loi organique définit, notamment, les règles relatives à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et du statut de ses membres.

Elle détermine également les cas d’incompatibilité avec la fonction gouvernementale, les règles relatives à la limitation du cumul des fonctions, ainsi que celles régissant l’expédition des affaires courantes par le gouvernement dont il a été mis fin aux fonctions.

 

Article 87 initial [AR] :

Le gouvernement se compose du Chef du Gouvernement et des ministres, et peut comprendre aussi des Secrétaires d’Etat.

Une loi organique définit, notamment, les règles relatives à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et du statut de ses membres, des cas d’incompatibilité avec la fonction gouvernementale, les règles relatives à la limitation du cumul des fonctions, ainsi que celles régissant l’expédition des affaires courantes par le gouvernement dont il a été mis fin aux fonctions.

Les membres du gouvernement, ne peuvent, pendant leur mandat de minsitre, exercer aucune activité professionnelle ou commerciale dans le secteur privé. Ils ne peuvent être parti dans les contrats conclus avec l’Etat, avec des entreprises publiques, ou collectivités territoriales, ou des organismes soumis au contrôle financier de l’Etat.

Après tout cela, comment ne pas être dégoûté et boycotter ce référendum?

لهذه الأسباب أرفض مشروع التعديل الدستوري

بعد 3 أشهر من الأشغال، قدمت لجنة المنوني مشروع تعديل الدستور الذي أعلن الملك عن مضامينه  في خطاب 17 يونيو. خطاب دعا فيه أيضا لاستفتاء شعبي يوم فاتح يوليوز، أي بعد أسبوعين فقط من نشر
ماذا عن المنهجية؟
أعود في بداية الأمر لمنهجية صياغة مشروع الدستور. بعد مسيرات 20  فبرايرالأولى ضد النظام منذ سنوات (حتى لا نتحدث عن عقود) اخدالملك بزمام الأمور،  و ألقى خطابا يوم 9 مارس أعلن فيه عن إجراء تعديلات دستورية عميقة. و لأجل ذلك، عين لجنة مكونة من خبراء  تقنوقراط وجامعيين، و أوكل  لهم مهمة إعداد مشروع دستور جديد بتشاور مع الأحزاب السياسية و المركزيات النقابية و ممثلي المجتمع المدني. كلهم أدلو للجنة بتوصياتهم. بعد ذلك، واصلت اللجنة أشغالها المغلقة من دون أن يسرب شيء عن فحوى هذا المشروع، عدا بعد الإشارات المرسلة من حين لآخر لطمأنة المتابعين حول التقدم الحاصل. وعلى بعد أسابيع من نهاية أشغال اللجنة، رأينا كيف أن بعض الأحزاب كانت تتوسل للإطلاع على المسودة و لكن دون جدوى. و لم تستطع هذه الأحزاب الإطلاع على المشروع إلا  ساعات قليلة قبل الخطاب الملكي، دون إمكانية  مناقشة المسودة أو تعديلها. فصاروا أمام الأمر الواقع بعد الخطاب الملكي. هذه المنهجية المتبعة في صياغة أسمى نص قانوني في الدولة هي في نظري بعيدة كل البعد عن الديمقراطية.
العديد من المغاربة طالبوا بجمعية تأسيسية منتخبة تصوغ مشروع الدستور، ثم تطرحه على الإستفتاء الشعبي، إسوة بما سيجري في تونس، حتى لا نذكر المثال اليسلاندي حيث  يناقش الشعب هناك  مشروع دستوره على الفيسبوك.
ماذا يقترح هذا الدستور؟
لست بخبير قانوني ولا مختص في القانون الدستوري، و لكنني أود كمواطن مغربي، غيورعلى وطنه إبداء رأيي في هذا المشروع.
الإيجابيات :
يتضمن المشروع إيجابيات عديدة، لا يمكن إنكارها. ليس بمستطاعي سردها بالكامل، و لكن على الأقل أهمها :
الأمازيغية (الفصل 5) : يعتبر الإعتراف بجزء كبير من هويتنا المغربية خطوة كبيرة . و لكنه، كان من الأفضل في نظري التنصيص على كونها لغة وطنية عوض رسمية. فلازلنا لم نحقق التقدم المنشود في إستعمال اللغة العربية كلغة رسمية (لا زالت بعض مراسلات الإدارات العمومية تكتب بالفرنسية، العروض التي يقدمها بعض الوزراء بالفرنسية أمام الملك…). و من جهة أخرى، فإن الأمازيغية ليست لغة موحدة. من المستحيل لشخصين يتكلمان تاريفيت و تاشالحيت أن يتفاهما اليوم. أي أمازيغية يجب إختيارها اليوم كلغة رسمية؟ أقترح عليكم  قراءة مقال ابن كافكا حول الموضوع، و الذي أتفق معه كليا.
حل الأحزاب السياسية (الفصل 9) : وحده القضاء يمكنه حل الأحزاب. بهذا البند كان من الممكن تفادي حل حزب البديل الحضاري.
تصويت المغاربة المقيمين بالخارج (الفصل 17) : دسترة هذا الحق تعطي للمغاربة  المقيمين بالخارج حق إختيار ممثليهم، عوض اعتبارهم كمورد للعملة الصعبة فقط.
مساواة الجنسين (الفصل 19) : يعترف المشروع بمساواة الجنسين في المجتمع، و على الخصوص تلك المنصوص عليها في الاتفاقيات الدولية التي وافق عليها المغرب، و بخلاف تلك اللتي تعارض الهوية المغربية. مما يقصي المسائل الدينية (الإرث على الخصوص).
التشريع بالظهائر (الفصل 42) : التشريع بظهير يقتصر على بعض المجالات المحددة . و الباقي يقتضي التوقيع من طرف رئيس الحكومة. سيكون التشريع إذن مقتصر على البرلمان.
قدسية الملك (البند 46) : لم تعد شخصية الملك مقدسة، و لكن لا تنتهك حرمته، و يجب له التوقير و الإحترام.
تعيين الوزير الأول (الفصل 47) : يتم تعيين رئيس الحكومة من الحزب الفائز بالانتخابات. كان هذا الفصل سيحول مثلا دون تعيين ادريس جطو كوزير أول سنة  2002.  في نظري، هذا الفصل غيرواضح في حالة عدم فوز الحزب الأول بالأغلبية المطلقة و عدم استطاعته جمع أغلبية برلمانية.
الحصانة البرلمانية ( الفصل 64) : يحدد هذا الفصل الحصانة البرلمانية في حرية التعبير و التصويت. و لكن هل سيحد هذا الإجراء من وجود مافيوزيييني في البرلمان؟
حذف المحكمة العليا للوزراء (الفصل 94) : في الدستور الحالي، يجب تحقيق شروط تعجيزية لتقديم وزراء أمام القضاء. في المشروع الحالي، يعتبر الوزراء مواطنين عاديين أمام القضاء. في إنتظار القانون التطبيقي الذي يحدد هذه الشروط.
حذف مقعد وزير العدل في المجلس الأعلى للسلطة القضائية (الفصل 115) : تقدم جيد في استقلال القضاء، و إن كان غير كافي كما سنرى. نتذكر كيف قام وزير العدل الحالي، محمد الناصري، بمضايقة
القاضي جعفر حسون و طرده من سلك القضاء.
و
يتضمن المشروع الحالي، كلاما كثيرا  حول  حقوق الإنسان و تجريم التعذيب (معتقل تمارة السري يناديكم)، و سوء المعاملة البشرية (حالة كمال العماري رحمه الله). سبق للمغرب أن نص قوانين كثيرة في هذا المجال، و وقع إتفاقية دولية، لم يطبقها أبدا. و الحالات كثيرة جدا.فما سيرغم الدولة على تطبيق هذه النصوص الآن؟
سلبيات المشروع :
الفصل 19 الشهير من الدستور الحالي : الكثيرون يعتبرونه دستورا قائما بنفسه ويطالبون بحذفه. فصل يعطي صلاحية جد واسعة للملك. المشروع الحالي أبقى على هذا الفصل، و جزءه لقسمين (الفصلان 41 و 42) يفصلان هذه الصلاحيات التي هي نفسها الموجودة في الفصل 19 الحالي.
تعيين و إقالة الوزراء (الفصل 47) : الكل كان ينتظر تقدما ملموسا حول هذه النقطة. و لكن لم يكن الأمر كذلك. لازال الملك يعيين الوزراء باقتراح من الوزير الأول، كما هو الحال في الدستور الحالي. و لكما نعلم في الواقع، فإن لائحة  الوزراء تعد في الديوان الملكي (كما حصل في حكومات جطوو لفاسي) ، دون إشراك تقريبا للوزير الأول في إعدادها. كما أن هذا الفصل الذي يخول وزراء السيادة (5 أو 6 في كل حكومة) الحصول على مقاعد رغم عدم انتمائهم لحزب سياسي أو لوزراء تقنوقراط يحصلون على بطاءقهم الحزبية أيام قبل  تنصيبهم.  والأمثلة متعددة في الحكومة الحالية (بلخياط، بنخضراء، الزناكي، اخنوش…). هذه الفئة من الوزراء لا يمكن محاسبتها عن طريق الانتخابات كما تقتضيه ذلك الأعراف الديمقراطية. الإشكال الثاني هو إقالة الوزراء. لايمكن إقالة هؤلاء إلا من طرف الملك، و ليس من طرف رئيس الحكومة! شيء مهين لهذا الأخير، الذي يحرم إذن من جزء مهم من سلطته إزاء وزرائه. و لا يخفى علينا أنها طريقة لحماية وزراء السيادة، الذين لا يمكن إقالتهم إلا من طرف الملك، حتى و لم يمتثلوا إلى السياسة الحكومية المتفق عليها.
تعيين الولاة و العمال و السفراء و المسئولين عن الأمن الداخلي و مدراء المؤسسات العمومية الإستراتيجية ( الفصل 49) : رغم أن هؤلاء الموظفين السامين موضوعون تحت سلطة رئيس الحكومة، فإن تعيينهم يتم من طرف مجلس الوزراء الذي يترأسه الملك. و بما أن توازن السلط يرجح كفة الملك، فمن شبه المؤكد أن التعيينات ستأتي مباشرة من الديوان الملكي، دون أن يكون لرئيس الحكومة رأي فيها. و كما هو منصوص في الفصل145، فإن الولاة و العمال هم ممثلو السلطة المركزية، و يقومون بتنفيذ القوانين و المقررات الحكومية و يسهرون على  التسيير الإداري. كيف يمكن لهؤلاء الولاة و العمال الامتثال لأوامر رئيس الحكومة و تعيينهم تم من طرف مجلس الوزراء الذي يرأسه الملك؟ نفس الشيء يطبق على مدراء المؤسسات العمومية الإستراتيجية، التي يجب أن تمتثل للسياسة العامة للحكومة.
تعيين أعضاء المجلس الأعلى للسلطة القضائية (الفصل 113) : كان يجب على هذا المجلس أن   يكون  مستقلا  تماما عن باقي السلط.  و لكن الملاحظ أن نصف أعضائه  فقط منتخبون من  طرف القضاة.  النصف الآخر يتم تعيينه من طرف الملك، أو يتكون من رؤساء  لهيئات أخرى (الرئيس الأول لمحكمة النقض، رئيس المجلس الوطني لحقوق الإنسان، الوسيط…) الذين هم بدورهم معينون من طرف الملك.
أين هي استقلالية القضاء إذن؟
تعيين أعضاء المحكمة الدستورية  (الفصل 130٠) : تمارس المحكمة الدستورية، من بين إختصاصاتها، التأكد من دستورية القوانين، و التحقق من نتائج الانتخابات و الإستفتاءات. حسب مشروع الدستور، فإن نصف أعضائها يعينون من طرف الملك. فكيف يكمن إذن ضمان استقلالية و حياد هذه المؤسسة؟
لإعطائكم  فكرة شاملة عن إختصاصات الملك في مشروع الدستور الجديد، أقترح عليكم هذا الرسم الميبياني:
بعد الإطلاع على كل هذه الصلاحيات، هل يكمن القول أن المغرب ملكية برلمانية؟ لا! مع أن الفصل 1 يقول أن “المغرب ملكية دستورية، ديمقراطية، برلمانية و إجتماعية” . هذه العبارة في نظري لا تعني شيء، و هي مجرد حشو و كلمة متناقضة أحيانا.
هل سيكرس هذا المشروع  رئيس الحكومة، الذي يستمد شرعيته من صناديق الإقتراع، كرئيس فعلي للسلطة التنفيذية؟ لا! دوره سيقتصر على منفذ تحت الوصاية الملكية. و ميزان القوى الحالي في المغرب، لا يسمح لرئيس للحكومة بمعارضة الملك.
للإقتراب من الواقع، هل سيحول مشروع الدستور دون إطلاق مشاريع مكلفة و عديمة الفائدة كمشروع القطار الفائق السرعة؟ لا! هل سيجعل جميع الوزراء خاضعين لمحاسبة صناديق الإقتراع كما تنص عليه مبادئ الديمقراطية؟ لا! هل سيحول دون تدخل أشخاص قريبين من المحيط الملكي  ( السيدان عالي الهمة و الماجدي مثلا)   في شؤون البلاد؟ لا! هل سيجعل السلطة القضائية مستقلة عن السلطة التنفيذية؟ لا!
المبادئ الأساسية للديمقراطية توجب مساءلة و محاسبة المسئولين عن البلاد.  هذا المشروع يحول دون ذلك، لأن الذي يملك مفاتيح السلطة التنفيذية هو الملك، الذي لا يمكن محاسبته.
لا أود محاسبة أو مساءلة ملكي. أود أن يبقى فوق كل هذه الاعتبارات و يظل رمزا للأمة، يلجأ إليه المغاربة للتحكيم كآخر ملاذ.و مشروع الدستور هذا لا يمكن ذلك.
الذين يقولون أن هذا الدستور هو مرحلة من مراحل الوصول إلى الديمقراطية، لا يعرفون جيدا تاريخ المغرب. لقد طالبت الحركة الوطنية من الملك أن يسود و لا يحكم سنة في مشروع دستور 1962. و كان جواب الحكم آنذاك أن المغرب ليس مؤهلا لذلك بعد 50 سنة بعد ذلك، لا زال الكثيرون يطالبون بذلك. و في تلك الأثناء، حققت  بلدان عديدة الديمقراطية الحقيقية وتنمية على جميع المستويات. العولمة حولت  العالم إلى حصص للسوق تشتد المنافسة عليها، و كل تأخير في تحقيق التنمية، يجعل تدارك السنوات الضائعة أكثر صعوبة. المغرب و كوريا الجنوبية كان مثلا على نفس مستوى التنمية و في
الخمسينات (نفس نسبة الأمية، و نفس مستوى الدخل الفردي). إلا أن الكوريين اختارو سبيل الديمقراطية عكس النظام المغربي مثلا.
كل  هذه الأسباب تدفعني إلى رفض هذا المشروع. لا أعرف إن كنت سأصوت بلا أو سأقاطع التصويت، و لكن  لن يكون بنعم في كل الأحوال.

Pourquoi je rejette le projet de la nouvelle constitution

 

Après 3 mois de travaux, la commission Manouni pour la révision de la constitution au Maroc a remis sa copie. Le discours du roi du 17 juin a annoncé les grandes lignes du projet. Et un référendum sera organisé le 1er juillet, soit 2 semaines à peine après la publication du projet, pour voter pour ou contre ce projet de constitution [FR] [AR]

Que penser de la démarche?

Je reviens tout d’abord au processus d’élaboration de ce projet. Suite aux manifestations du 20 février, les premières contre le pouvoir depuis plusieurs années (pour ne pas dire décennies), le roi a pris les devants dans un discours le 9 mars pour annoncer une révision constitutionnelle. Pour ce, il a nommé une commission composée d’experts technocrates et d’universitaires, chargée d’élaborer un projet de constitution, en consultation avec les partis politiques, centrales syndicales et représentants de la société civile. Tout ce beau monde a remis sa copie avec ses recommandations. La commission a ensuite poursuivi ses travaux à huis-clos sans qu’absolument rien ne filtre de ses travaux, mis à part quelques signaux “positifs” lancés pour calmer les esprits et rassurer sur le bon déroulement. A quelques semaines de la fin de ses travaux, on a vu des partis politiques MENDIER pour avoir à consulter la version finalisée ou quasi-finalisée du projet. RIEN ne filtrait. Les partis se sont donc résignés à découvrir le texte du projet en même temps que le reste des marocains. Ils ont finalement eu accès au document final quelques heures avant le discours royal, sans aucune possibilité de discuter le projet ou de présenter des amendements. Il ont tout simplement été mis devant le fait accompli en écoutant le discours royal. Cette démarche d’élaboration d’un texte aussi fondamental pour une nation, est à mon avis non démocratique. Beaucoup réclamaient à ce qu’une assemblée constituante élue se charge, assistée d’experts, de la rédaction d’une nouvelle constitution pour le Maroc. Les tunisiens s’apprêtent bien à le faire. Et je n’ose même pas mentionner l’exemple des islandais qui discutent de leur projet de constitution sur Facebook…

Que nous propose ce projet?

Je ne suis pas juriste et encore moins constitutionnaliste, mais je me permets, en tant que citoyen qui aspire au développement de son pays, d’avoir un avis sur le projet.

Les avancées :

Nombreuses sont les avancées indéniables dans ce texte. Je ne prétends pas toutes les souligner, mais je citerai celles qui me semblent les plus importantes, et surtout, celles que j’ai comprises 🙂

L’amazigh (Art 5) : Reconnaitre un pan aussi important de l’identité marocaine dans la constitution est un grand pas. Mais il aurait été préférable de l’instituer comme langue nationale plûtot qu’officielle. Ce concept est très difficile à appliquer. Nous avons déjà du mal à l’appliquer correctement à l’arabe (certaines correspondances de l’administration publique sont encore en français, présentations de ministres devant le roi en français…). Par ailleurs, l’amazigh n’est pas standardisé et il est aujourd’hui impossible à deux personnes parlant tarifit et tamazight de se comprendre. Quel amazigh donc choisir comme langue officielle? Je recommande vivement la lecture de l’article d’Ibn Kafka sur le sujet, et auquel j’adhère entièrement.

Dissolution des partis politiques (Art 9) : Seule la justice peut dissoudre un parti. Cela nous éviterait peut-être de revivre le scénario du Badil Al Hadari.

Vote des marocains de l’étranger (Art 17) : Longtemps considérés comme des vaches à lait, pourvoyeur de devises à leur pays, accorder le droit de vote aux MRE est désormais constitutionnalisé. L’expérience avait déjà été menée durant les années 90, mais avait tourné court.

Egalité des sexes (Art 19) : Le projet reconnait l’égalité des sexes dans la société, y compris ceux inclus dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc, si celle-ci sont conformes à l’identité marocaine. En gros, on exclut les questions religieuses (héritage notamment).

Législation par dahir (Art 42) : L’exercice législatif par dahir est limité à certains champs. Les autres doivent être contresignés par le chef du gouvernement. C’est donc essentiellement le parlement qui légifère. Des juristes dans le coin pour nous éclairer?

Sacralité du roi (Art 46) : La personne du roi n’est plus sacrée. Sa personne est désormais inviolable, et le respect lui est dû.

Désignation du premier ministre (Art 47) : Appelé désormais Chef du gouvernement, il est choisi parmi le parti politique qui a remporté les élections. Cela aurait par exemple empêché Driss Jettou d’être premier ministre en 2002. L’article est à mon avis mal formulé, car il pourrait y avoir des cas où le parti gagnant des élections (mais sans majorité absolue) serait incapable de réunir une majorité parlementaire.

Interdiction de la transhumance politique (Art 61) : Aucun parlementaire ne peut adhérer à un parti autre que celui sous lequel il a été élu. Il perd son siège sinon. Une telle mesure aurait empêché l’existence d’un groupe parlementaire comme celui du PAM. Le parti n’existait tout simplement pas pendant les élections de 2007, et a réussi quand même à faire migrer des dizaines de parlementaires lors de sa création en 2008…

Immunité parlementaire (Art 64) : L’article délimite expressément l’immunité parlementaire à la seule liberté d’expression ou de vote. Mais cela suffira-t-il pour dissuader les mafiosi de siéger au parlement?

Conflits d’intérêts des ministres (Art 87) : L’article interdit explicitement aux membres du gouvernement d’exercer des activités lucratives dans le secteur privé. Donc à priori, à moins de vendre sa société de distribution de tabac (et bien d’autres), M. Moncef Belkhayat ne devrait plus siéger au gouvernement. Il manquerait à cet article de définir expressément la notion de conflit d’intérêt, notamment ceux impliquant les familles et proches des ministres (Belkhayat et le marché de Bull comme exemple). Article retiré de la dernière version publiée au Bulletin Officiel.

Suppression de la haute cour des ministres (Art 94) : Cette cour fixait des conditions draconiennes pour qu’un ministre soit présenté devant la justice. Les ministres sont désormais des justitiables comme les autres. Reste à savoir ce que dira dans le détail la loi prévue dans ce sens.

Le ministre de la justice ne siège plus dans le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (Art 115) : Une bonne avancée dans l’indépendance (très relative on le verra) du pouvoir judiciaire. On se rappelle comment M. Mohamed Naciri, actuel ministre de la justice s’était acharné contre le juge Hassoun.

Le texte comporte également beaucoup de verbiage sur les principes ô combien nobles des droits de l’homme, de la criminalisation de la torture (coucou DST de Temara), de la mal traitance humaine (Kamal Ammari Allah yrahmou). Le Maroc avait bel et bien légiféré sur tous ces aspects, ratifié beaucoup de traités internationaux, mais ne les a jamais appliqués. Les cas sont très nombreux. Qu’est ce qui obligerait l’exécutif de les appliquer cette fois-ci?

Les grosses insuffisances :

Le fameux Article 19 de l’actuelle constitution : Véritable constitution dans la constitution, beaucoup réclamaient sa suppression. Les pouvoirs qu’ils donnaient au roi semblaient illimités et couvraient de larges prérogatives. Le projet de constitution l’a gardé, en le scindant en 2 articles (41 et 42) en détaillant ces prérogatives. Toutes les attributions du roi de l’actuel article 19, sont maintenues dans ces 2 articles.

Nomination et démission des ministres (Art 47) : On s’attendait à des avancées sur ce point, mais ce ne fut pas le cas. Le roi nomme toujours les ministres sur proposition du premier ministre, comme c’est le cas dans l’actuelle constitution. Or, on sait très bien que dans la pratique (gouvernements Jettou et El Fassi), que la liste des ministres se prépare au sein du cabinet royal, et le premier ministre n’est quasiment pas impliqué dans son élaboration. C’est aussi l’article qui justifie l’existence de ministres de souveraineté sans appartenance politique (5 ou 6 à chaque gouvernement), ou de ministres technocrates affiliés à la va vite dans un parti politique la veille de leur nomination. Les exemples sont nombreux dans l’actuel gouvernement (Belkhayat, Benkhadra, Zenagui, Akhannouch…). Or ces ministres sans couleur politique, ne peuvent en toute logique démocratique être sanctionnés par les urnes. Le deuxième aspect est celui de la démission des ministres. Ces derniers peuvent être démis non par le président du gouvernement, mais uniquement par le roi! Humiliant pour ce président du gouvernement, qui de ce fait n’a pas de véritable autorité sur ses ministres. De plus, c’est une manière de protéger les ministres de “souveraineté” qui, même s’ils ne se conforment pas à la politique du gouvernement, ne peuvent être démis que par le roi.

Nomination des walis, gouverneurs, ambassadeurs, responsables de la sécurité intérieur et dirigeants des entreprises publiques stratégiques (Art 49) : Bien que ces hauts fonctionnaires font partie de la fonction publique, mise sous autorité du président du gouvernement, leur nomination est effectuée dans le conseil des ministres présidé par le roi. Or, compte tenu du déséquilibres du pouvoir, on peut très bien s’attendre à ce que ces nominations viennent directement du cabinet royal. Le président du gouvernement ne pourra qu’obtempérer. Or, ces walis et gouverneurs sont selon l’article 145 du projet, des représentants du “pouvoir central. Au nom du gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en Œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif.” Comment peuvent-il rendre compte au chef du gouvernement alors que c’est un conseil présidé par le roi qui les a nommés? La même logique s’applique aux dirigeants des entreprises publiques stratégiques, qui sont censés se conformer à la politique générale du gouvernement.

Nomination des membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (Art 113) : Organe suprême de la magistrature, il se devait d’être complètement indépendant de l’exécutif. Or, seule la moitié de ses membres est élue par les juges. L’autre moitié est soit désignée directement par le roi, soit constituée de membres de droit (président du CCDH, médiateur, procureur général du roi auprès de la cour de cassation…), eux même désignés par le roi. L’indépendance de la justice, je la cherche encore…

Nomination de la Cour Constitutionnelle (Art 130) : La Cour constitutionnelle exerce, entre autres, le contrôle sur la constitutionnalité des textes adoptés dans le pays, ainsi que la validation des résultats des élections et des référendum. Or, la moitié de ses membres, y compris son président, sont directement nommés par le roi. Comment peut-on dans ce cas garantir son indépendance et son impartialité?

Pour se donner une idée plus globale des pouvoir du roi dans ce projet de constitution, je vous propose de jeter un coup d’oeil à ce graphe :

Réalisé par Reda Chraibi

Avec tous ces pouvoirs accordés au roi, peut-on dire que le Maroc sera une monarchie parlementaire? Absolument pas! Bien que l’article 1 stipule que “Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale”, il s’agit à mon sens d’un verbiage inutile, et d’une superposition d’adjectifs contradictoires (constitutionnelle vs parlementaire).

Ce projet de constitution consacre-t-il le chef du gouvernement, issu des urnes, comme un véritable chef de l’exécutif? Absolument pas. Il est réduit à un exécutant sous tutelle obligé de faire valider ses décisions les plus importantes par le roi. Connaissant le déséquilibre des pouvoirs dans la réalité, on peut difficilement voir un chef du gouvernement s’opposer au roi.

Pour être plus concret, ce projet de constitution empêchera-t-il des bêtises comme le projet du TGV de voir le jour? Non. Obligera-t-il TOUS les ministres à rendre compte de leurs actions devant les marocains, au cours d’élections? Non. Empêchera-t-il l’entourage royal (à leur tête MM. El Himma et Majidi) d’intervenir à tout va dans les affaires du pays, sans aucun contrôle des instances élues par le peuple? Non. Rendra-il la justice plus indépendante de l’exécutif? Non.

La définition même de la démocratie est de pouvoir juger ceux qui nous gouvernement et de leur demander des comptes. Ce projet ne permet pas de le faire puisque celui qui détient le pouvoir exécutif, à savoir le roi, ne peut pas rendre de comptes.

Je ne veux pas demander des comptes à mon roi. Je veux qu’il reste au dessus de la mêlée. Un symbole de la nation. Un arbitre auquel on a recours quand il n’y en a plus d’autres. Ce n’est malheureusement pas le cas dans ce projet de constitution.

Ceux qui disent aujourd’hui que ce projet est une étape vers cet idéal ne connaissent pas l’histoire du Maroc. Le mouvement national avait déjà formulé ces demandes de roi qui règne mais ne gouverne pas pour la constitution de 1962. On leur avait répondu qu’il était encore trop tôt pour cela. 50 ans après, on attend toujours. Entre temps, des pays se démocratisent, se développent, progressent. La mondialisation fait que le monde ressemble à des parts de marché à conquérir, à des avantages concurrentiels à acquérir. Tout retard dans le développement peut être fatal pour un pays, et très difficilement rattrapable par la suite. Le Maroc et la Corée du Sud étaient au même niveau de développement durant les années 50 (même taux d’analphabétisme, PIB/habitant identiques…). On connait la suite.

Toutes ces raisons me poussent à rejeter ce projet de constitution. Je ne sais pas encore si je voterai non, ou que je boycotterai le scrutin, mais ce ne sera certainement pas un oui.

Liens :

Pourquoi les marocains continuent-ils à manifester?

La vidéo de mon intervention sur l’émission Aswat Shabaka de France 24 Arabic. J’y explique brièvement les objectifs du mouvement du 20 février, et la raison pour laquelle les marocains continuent de manifester, malgré l’annonce de plusieurs réformes.

 

PS : L’émission a été enregistrée 3 jours avant les attentats odieux de Marrakech.
PPS : La qualité de vidéo est mauvaise malgré l’utilisation d’une connexion Menara ADSL de 4 Mbps/s. Cela vous donne une idée sur la qualité de service chez Maroc Telecom…

Maroc Telecom : une des marges les plus confortables au Monde?

 

Les marocains n’en finissent plus de se plaindre de leurs opérateurs de télécommunications. Un appel a été publié par des blogs marocains appelant à une meilleure qualité de service et à des prix plus abordables pour les marocains. Les débits Internet (mobile 3G surtout) deviennent ridicules, les bridages ne se comptent plus, et la couverture comporte de plus en plus de zones d’ombre à travers le pays. Le consommateur se sent lésé face à un régulateur quasi-absent et un sentiment d’entente sur les prix. Un argument qui revient souvent, est celui de l’importance des investissements consentis par les opérateurs. Il se doivent d’appliquer un certain niveau de prix pour assurer une rentabilité financière qui garantirait la pérennité du service. Soit. Penchons nous alors sur le cas de l’opérateur historique.

Maroc Telecom réalise depuis quelques années des résultats remarquables. Un chiffre d’affaires de 31,7 milliards de DH pour un résultat net 9,5 milliards de DH, entièrement distribué aux actionnaires. Soit un résultat net supérieur à celui de toutes les banques marocaines cotées réunies!

Il existe un indicateur financier très simple à utiliser appelé “Marge nette”. Il est égal au résultat net divisé par le chiffre d’affaires. En gros, cet indicateur mesure quel est le résultat net que l’entreprise réalise en moyenne à chaque fois qu’elle vend un produit ou un service pour 100 DH. Qu’en est-il de Maroc Telecom?

La marge nette de l’opérateur historique s’est élevée à 30%! En gros, quand vous rechargez votre mobile, ou payez votre facture Internet de 100 DH, 30 DH sont un bénéfice net de l’opérateur, après avoir payé toutes ses charges, amorti ses investissements, et payé ses impôts! Cette marge astronomique n’est pratiquement atteinte nulle part ailleurs dans le monde! Examinons les chiffres du tableau ci-dessous :

Quand on lit les chiffres, on se rend compte que même les plus gros opérateurs historiques européens restent dans des marges nettes très raisonnables. Celles de Deutsche Telecom, Telefonica ou France Telecom oscillent entre  4 et 17%. Dans les pays arabes, les marges sont nettement plus élevées, mais seul Telecom Egypt réussit l’exploit de dépasser (d’un petit point) notre Maroc Telecom national.

A qui profite cette situation, et qui en est responsable? L’Etat ne semble pas s’en plaindre. Maroc Telecom lui verse de généreux dividendes (2,85 milliards de DH) et des rentrées d’impôts astronomiques (à peu près 5 milliards de DH en 2010). Les autres opérateurs non plus. L’ANRT semble vouloir maintenir un niveau élevé des prix sur le marché, pour préserver la santé financière des deux autres opérateurs, Méditel et Inwi.

Qui en souffre? Le consommateur, cela va de soi. Et la balance des paiements du Maroc. Celle-ci est en net déficit depuis quelques années, et les choses ne devraient pas s’arranger. Les sorties en dividendes restent très importantes. C’est le prix à payer pour des investissements étrangers nous dit-on. Mais ce qu’on nous dit moins, c’est qu’il existe des moyens fiscaux pour limiter ces sorties de devises sous forme de dividendes. En imposant ces derniers, ou en instaurant des mesures fiscales favorisant le réinvestissement des bénéfices.

Mais en attendant, Vivendi remercie chaleureusement tous les marocains qui ont contribué à réaliser les bénéfices de sa filiale la plus rentable au Monde!

Agit-on vraiment pour combattre la corruption au Maroc?

Parmi les revendications du mouvement du 20 février, la lutte contre la corruption au Maroc figure en bonne place. Le pays gangréné par la corruption à tous les niveaux, du plus haut fonctionnaire au chaouch de service, fait figure de cancre quand il s’agit de classements internationaux dans le domaine. Ainsi, il est passé du 52e rang en 2002 au 85e en 2010 dans l’Indice de Perception de la Corruption élaboré par Transaprency International. Preuve s’il en est besoin, que la multitude de commissions et d’instances mises en place par les différents gouvernements depuis une décennie n’ont servi à rien, ou pas grand chose… Le citoyen lambda ne perçoit aucun changement dans les pratiques, voire une situation qui empire.

Des mesures parfois très simples peuvent changer les choses. Une des premières causes de la corruption, et le manque d’information du citoyen. Pourquoi ne pas améliorer l’accès à l’information, expliquer les procédures administratives, clarifier aux citoyens leurs droits… Des portails Internet existent certes, mais la communication via des posters et des affiches dans les administrations est quasi-absente.

Autre point : la dénonciation. La loi marocaine actuelle ne protège pas les dénonciateurs de faits de corruption. Un dénonciateur peut facilement être considéré comme complice, et donc passible de poursuites judiciaires. L’Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC) n’a cessé de demander la protection légale des dénonciateurs. Aucune loi n’existe jusqu’aujourd’hui dans ce sens. Une petite expérience a néanmoins été lancée par l’ICPC , mais qui ne concerne aujourd’hui que les dénonciations “dans le cadre de marchés publics ou d’opérations d’investissement relatifs aux Petites et Moyennes Entreprises (PME)”. Sauf que l’ICPC ne jouit d’aucun pouvoir qui lui permet de saisir la justice en cas de dénonciation. Grosse lacune institutionnelle donc.

Ceci concernait la corruption “subie” par les citoyens. Qu’en est-il de la corruption “voulue”? Soudoyer un fonctionnaire pour fermer les yeux sur un plan de construction non conforme ou un policier/gendarme pour une infraction au code de la route reste très commun. Et là, il ne faut plus compter sur la dénonciation. C’est là que le contrôle judiciaire et administratif doit intervenir. Déclarations du patrimoine et inspections doivent être la règle dans un pays qui se veut démocratique et transparent. Mais c’est encore loin d’être le cas au Maroc. L’impunité reste la règle, même dans le cas de graves dysfonctionnements, comme ceux établis par la Cour des Comptes par exemple. Autre exemple : malgré l’obligation dans le nouveau code de la route du port d’un badge identifiant, on ne voit plus aucun agent de l’ordre (policier ou gendarme) porter son badge. N’est-ce pas un signe d’impunité ostentatoire?

Pourquoi nos gouvernants ne s’inspirent-ils pas d’autres pays qui ont eu quelques succès dans la lutte contre la corruption? En Inde par exemple, il existe un portail “I paid a bribe” qui collecte les plaintes des citoyens ayant été obligés de payer un pot de vin pour accéder à un service public. Lors d’un récent voyage en Tanzanie, j’ai pu voir ces pancartes un peu partout dans les lieux publics invitant à dénoncer les actes de corruption commis par les fonctionnaires publics :

Que perd-t-on à installer ce type de pancartes dans les arrondissements administratifs, les commissariats et les hôpitaux? Rien. Absolument rien. Combien de temps faudra-t-il pour instaurer une loi qui protège les dénonciateurs? On l’attend depuis au moins 10 ans. La loi anti-terrorisme a bien été approuvée en 10 jours, non? Que fait la justice pour poursuivre les corrompus parmi les hauts fonctionnaires de l’État? Est-elle trop occupée à juger les dénonciateurs des complices de trafiquants de drogue à Nador?

Quand on voit ce qu’on voit, que l’on entend ce qu’on entend et que l’on sait ce que qu’on sait, on a raison de penser ce qu’on pense. Que l’État n’a aucune envie de combattre la corruption, et que certains ont tout intérêt à que cela perdure…