Taxe sur les superprofits : quels secteurs cibler?

«J’appelle tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs, et à utiliser ces fonds pour soutenir les plus vulnérables en ces temps diffciles». C’est ainsi que s’exprimait Antonio Guterres, le Secrétaire Général de l’ONU le 3 août 2022, à propos des superprofits réalisés par les sociétés pétrolières et gazières, qui profitent du contexte géopolitique mondial pour engranger des bénéfices records.

Depuis début 2022, plusieurs pays ont ainsi sauté le pas, et instauré des impôts exceptionnels sur les secteurs ayant profité ayant profité le plus de la conjoncture internationale, mélant la guerre d’Ukraine, le contexte post-Covid et les premières conséquences du changement climatique.

En Italie, l’impôt sur les superprofits est passé de 10% en mars 2022 à 25% en mai 2022 sur les géants de l’énergie.

En Grèce, la taxe sur les profits des producteurs d’électricité est passée à 90%.

En Espagne, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé une taxe exceptionnelle sur les banques et les grandes sociétés énergétiques.

En France, la décision de taxer les superprofits des géants de l’énergie est actée, et une taxe additionnelle sur les “superdividedes” est également en cours de discussion.

Quid du Maroc? Si on ne connait pas encore le contenu exacte de la Loi des Finances 2023 (à la date d’écriture de ces lignes), Medias24 avait annoncé la volonté du gouvernement de surtaxer certains secteurs oligopolistiques. Lesquels? Aucune décision formelle pour le moment, mais le débat risque d’être animé au Parlement.

Comment choisir ces secteurs? Si la Direction Générale des Impôts dispose de données annuelles sur les croissances de chiffre d’affaires et marges nettes réalisées par les entreprises, l’utilisation des données des sociétés côtées à la Bourse de Casablanca (BVC) permet d’avoir des données trimestrielles ou semestrielles plus récentes.

Les sociétés côtées à la BVC sont représentatives de la quasi-totalité des secteurs de l’économie marocaine (à l’exception notable du secteur agricole), ce qui permet d’avoir une vue globale des secteurs surperformeurs en ces temps de disette.

En analysant les données financières sur 4 ans d’une trentaine de sociétés côtées les plus importantes et les plus représentatives de leur secteurs respectifs, on peut identifier les secteurs à surtaxer en priorité.

On peut retenir trois paramètres principaux pour décider ou non la surtaxation des profits :

  • Nature oligopolistique du secteur
  • Evolution du niveau des marges nettes
  • Niveau de taxation actuel
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Rapport du Nouveau Modèle de Développement : un coup d’épé dans l’eau?

J’ai lu (quasiment toutes) les 170 pages du rapport de la Commission du Nouveau Modèle de Développement. Très joli rapport comme prévu (au vu de la qualité des membres), mais malheureusement avec beaucoup de wishful thinking.

Le diagnostic n’a rien de nouveau et terrifiant en même temps. Il reprend ce qui a été dit pendant ces 10-15 dernières années sur les problèmes du Maroc. La Fondation Abderrahim Bouabid avait par exemple sorti un rapport en 2010 sur les problèmes entravant le développement du Maroc, et les rédacteurs étaient traités de nihilistes rétrogrades incapables de voir tous les progrès faits par le Maroc. Si on se base sur ce diagnostic fait par le rapport du CSMD, on devrait virer TOUS les responsables sur les 20 dernières années et ne plus jamais les rappeler. Or, c’est exactement le contraire qui se passe. A chaque vague de nominations, un jeu de chaises musicales se met en place, n’épargnant que les plus âgés, fatigués et usés après des décennies de service.

Les remèdes proposés sont nombreux et détaillés dans une annexe à part (pour les plus téméraires). Certains sont déjà en cours d’application (comme la couverture sociale généralisée), d’autres sont en contradiction avec ce qui se fait en ce moment même.

Quelques exemples :

– Le rapport (p. 77) insiste sur l’importance d’avoir des médias autonomes (et donc indépendants). Or, une concentration des TV publiques (SNRT, 2M et Medi1TV) est en cours dans un seul et unique pôle publique, dans ce qui risque de devenir une Pyongyang TV. Nous sommes en 2021, et il n’y a toujours aucune TV privée au Maroc (à part Chada TV qui diffuse des clips à la Rotana).

– Le rapport (p. 153) recommande “le renouvellement régulier de la haute fonction publique nationale et locale est un défi auquel il convient d’accorder la plus haute importance à travers des mécanismes de renforcement de son attractivité, d’identification et de sélection d’un vivier de compétences, de valorisation de leadership pour leur permettre de prendre des initiatives pour la résolution de problèmes complexes, sans crainte de sanction, et de valorisation de l’expérience dans les territoires”. C’est justement le contraire qui s’est passé ces dernières années. Les récentes colères successives ont dissuadé les hauts fonctionnaires honnêtes et innovants de postuler à des responsabilités plus élevées. Pourquoi? Plus ils montent en grade, plus le risque de subir une colère inexpliquée et arbitraire augmente. Résultat, des postes importants peuvent rester vacants pendant des années (SG du ministère des finances par exemple, avant qu’il ne soit occupé par M. Chorfi, et à nouveau libre, après son départ à la retraite).

– “Le renforcement des libertés individuelles et publiques et leur protection par le système judiciaire sont une condition nécessaire à la création d’un climat de confiance et à la libération des énergies.” (p. 74). C’est tout le contraire qui se passe chez les journalistes libres. Les arrestations n’en finissent pas, et les derniers cas devant nous sont ceux de Omar Radi, et Soulaimane Raissouni, en grève de la faim depuis 49 jours, et en très sérieux danger de mort.

Alors oui, il y a des propositions qui me plaisent bien, comme celle de déléguer certains services publics à des entreprises sociales (p. 101). On pourrait confier la collecte des déchets recyclables à des coopératives de chifonniers, la gestion d’une crêche à une association, l’exploitation de terrains en friche à des coopératives agricoles…

D’autres objectifs sont tout aussi nobles (et ils sont très nombreux dans le rapport), mais les rapports précédents (Cosef 2000, Cinquentenaire 2005), étaient tout aussi explicites sur beaucoup d’autres objectifs, sans succès malheureusement.

Le rapport occulte (évidemment) le noeud du problème du Maroc : son système politique. Aucune réforme profonde n’est possible au Maroc sans réforme du système politique et l’instauration d’une véritable monarchie parlementaire, avec une réelle reddition des comptes et une indépendance des pouvoirs.

Le rapport s’étale par exemple beaucoup sur les conflits d’intérêts et de la nécessité que les institutions constitutionnelles fassent leur travail. On a tous suivi le feuilleton du conseil de la concurrence vs. le lobby des pétroliers. Ils s’en sont sortis indemnes.

Ou alors comment expliquer qu’un président de région et le maire d’une ville, soient condamnés en appel à de la prison ferme pour détournement de fonds publics, mais continuent à exercer leurs fonctions comme si de rien n’était (le recours en cassation n’est pas suspensif de la peine de prison).

Le problème n’est donc pas l’existence d’institutions constitutionnelles, mais leur réelle indépendance dans leur prise de décision.

Autre exemple : le rapport insiste beaucoup sur la régionalisation avancée qui doit s’appuier très largement sur les walis et non sur les conseils élus (dépourvus de moyens et de prérogatives). Comment qualifie-t-on un système où un wali intervient à la place d’un élu, même pour choisir l’espèce d’arbres à planter sur un trottoir?

Le rapport appelle également à abolir la rente sous toutes ses formes. Pourquoi voulez vous que le système politique l’abolisse alors qu’il en vit depuis des siècles? C’est le meilleur moyen de fidéliser un cercle restreint servant de bouclier à toute épreuve.

Pour résumer : il s’agit d’un rapport avec un diagnostic connu, des remèdes sympathiques, mais souvent homéopathiques. Et un sort tout tracé, à l’image du Rapport du Cinquantenaire : consommation médiatique intense pendant quelques jours et application sélective des recommendations, en fonction des intérêts du moment.

Et rendez-vous au prochain rapport. Inchallah.

Covid-19 : L’application de tracking des marocains doit être open source

Le gouvernement marocain a lancé le développement d’une application mobile permettant le traçage des contaminations du Covid-19. Elle permettra de tracer les contacts physiques de tous ceux qui l’auront installée (en utilisant le GPS et/ou le Bluetooth), et d’avertir tous ces contacts en cas de contamination de l’un d’entre eux par le Covid-19. Couplée au testing massif, cette application pourrait être un moyen efficace pour lutter contre cette pandémie à l’échelle nationale, et d’identifier très rapidement tout foyer, d’autant plus que, selon l’ANRT, 75% des marocains disposent d’un smartphone.


D’autres pays comme Singapour, la Corée du Sud, la Chine, le Ghana, la République Tchèque l’ont fait. Celle du Royaume-Uni est en cours de développement. Idem pour la France où l’INRIA pilote le projet, et où un débat parlementaire devrait s’ouvrir incessamment pour discuter des répercussions lourdes de ce type d’applications sur les libertés individuelles et la protection des données personnelles.

Au Maroc, ce type de débat ne semble pas d’actualité aujourd’hui, ce qui est une aberration totale. L’Etat marocain ne jouit pas des meilleures réputations en termes de protection des données personnelles et des libertés individuelles. Mais d’après le document de référence publié par plusieurs supports de presse, le traitement des données devra se faire sur le téléphone lui même, et non sur un serveur distant. La seule garantie de non utilisation de ces données à des fins autres que celles de traçage des contaminations du Covid-19, serait de publier l’intégralité du code source de l’application développée. Une fois ce code source ouvert, il pourra être audité par des experts informatiques pour s’assurer des protections adéquates des donnés personnelles collectées.

D’autres pays ayant recours à ce type d’applications en ont déjà publié le code source, afin justement, de rassurer leur population sur l’utilisation de leurs données personnelles (Singapour, Israel, République Tchèque…). Résultat : des millions d’utilisateurs ont adhéré à la démarche et ont installé l’application afin de contenir le virus.

Encore une fois, ne ratons pas l’occasion de redonner confiance aux citoyens dans leur État. Ce serait dommage que la majorité des marocains renoncent à installer ce type d’applications par méfiance. Car sans adhésion massive de la population à ce type d’initiatives, elles seront tout simplement inutiles.

Cette tribune a été publiée sur Medias24

L’OFPPT, le nouveau msid?

Cela fait plusieurs fois maintenant, que le roi souligne dans ses discours l’importance de la formation professionnelle comme débouché pour les jeunes. Il a encore insisté dessus lors du discours du 20 août 2019 :

A cet égard, Je tiens une nouvelle fois à souligner l’importance de la formation professionnelle pour la qualification des jeunes, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines. Grâce à une insertion professionnelle réussie, ces jeunes deviendront productifs et contribueront au développement du pays.

En effet, l’obtention du baccalauréat et l’accès à l’université ne constituent pas un aboutissement en soi. Ce sont des étapes dans le parcours académique. Ce qui importe vraiment, c’est d’acquérir une formation qui ouvre des perspectives d’insertion professionnelle et de stabilité sociale.

Je ne me lasserai donc jamais de mettre en avant le rôle de la formation professionnelle, du travail manuel dans l’insertion des jeunes.

Revenons 20 ans en arrière. A la fin du règne de Hassan II (et prolongée à l’intronisation de Mohammed VI) , une Commission spéciale éducation-formation (Cosef) avait été constituée pour établir les bases de réforme du système éducatif marocain, déjà très mal en point.

Un des objectifs énoncés était de généraliser l’enseignement fondamental, avec des objectifs chiffrés sur la cohorte 1999-2000, qui devait être suivie à différentes étapes de sa scolarisation.

Les objectifs étaient clairs et ambitieux (on les trouve toujours sur le site du Ministère de l’Education Nationale) :
“Aux horizons ci-après, les élèves inscrits en première année du primaire parviendront :
– En fin d’école primaire, pour 90% d’entre eux en 2005;
– En fin d’école collégiale, pour 80% d’entre eux en 2008 ;
– En fin d’enseignement secondaire (y compris la formation professionnelle et technologique, l’apprentissage et la formation alternée), en 2011, pour 60% d’entre eux ;
– A l’obtention du baccalauréat, pour 40% d’entre eux, en 2011″

Quelques années plus tard, les résultats sont édifiants et sans appel :
Pour la cohorte 2002-2013 : 34% ont terminé le primaire (2007), 19% ont terminé le collège (2010), 7% le secondaire (2013) et à peine 4% ont obtenu le baccalauréat.

Face à cet échec monumental, on en est 20 ans après à recommander une redirection massive vers la formation professionnelle. Outil pour résorber le chômage? Vraiment?

Le HCP a publié une étude en 2018 sur l’insertion professionnelle des lauréats de la formation professionnelle. Verdict : « L’analyse des résultats montre que le rendement externe de la formation professionnelle, en termes de chômage de ses promotions comme en termes d’adéquation de leur formation à l’emploi, est très largement moins favorable à celui des promotions de leurs homologues issus de l’enseignement général ».
Les lauréats de la formation professionnelle enregistrent un taux de chômage de 24,5% tandis que celui des diplômés de l’enseignement général est de 16%.

Dans un monde du travail qui est déjà en train d’être bouleversé par l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation à outrance, il est inconcevable de pousser des millions de jeunes vers des formations manuelles dans des métiers comme le câblage automobile/aéronautique appelés à être massivement robotisés, ou les métiers de centres d’appels déjà en train d’être remplacés par l’IA (beaucoup d’experts prévoient leur disparition à un horizon de 10 ans).

La seule explication de tout cet acharnement pour diriger un maximum de marocains vers la formation professionnelle, est une volonté de produire des sujets soumis, sans sens critique, et non des citoyens avertis et formés dans les sciences humaines et sciences exactes.

Et cela rappelle étrangement une anecdote racontée par Pr. Mohamed Chafik, ex-directeur du collège royal. Il fut chargé par Hassan II en 1968, d’élaborer un rapport sur les écoles coraniques. La conclusion du rapport du Pr. Chafik était sans équivoque : les msids cultivent la culture de la soumission, en empêchant le développement de tout sens critique et affaiblissent la personnalité de l’enfant, en utilisant les châtiments corporels et l’apprentissage répétitif.

Au lieu de supprimer ou limiter l’expansion des écoles coraniques, Hassan II ordonna leur généralisation au détriment des écoles modernes, censées inculquer les valeurs d’ouverture et du sens critique. Avec les résultats que l’on connait.

50 ans plus tard, le schéma semble se reproduire.

Ce que les pétroliers ont pompé de la poche des marocains

Pendant des dizaines d’années au Maroc, le prix des hydrocarbures était subventionné ET réglementé au Maroc. L’État accordait une subvention aux hydrocarbures via la caisse de compensation. Il fixait en même temps le prix maximum à la pompe. Mais depuis 2013, le gouvernement Benkirane a progressivement levé cette subvention, pour l’annuler complètement début 2015. Dès lors, les hydrocarbures n’étaient plus subventionnés, mais leur prix maximum était toujours fixé par l’État, considérant que c’est une denrée sensible et essentielle à toute économie (tout comme les médicaments par exemple). Mais depuis décembre 2015, Benkirane décide la libéralisation totale de ces prix, laissant au marché le soin de les fixer. La concurrence devait donc jouer théoriquement son rôle pour faire baisser les prix et offrir au consommateur le meilleur rapport qualité prix.

Sauf que depuis cette date, il faut être dupe pour ne pas se rendre compte de l’augmentation sensible des prix des hydrocarbures à la pompe. Malgré la baisse du prix du baril en 2016, et surtout en 2017, les prix ne variaient que très peu à la baisse. Mais toute hausse du baril était systématiquement et rapidement répercutée sur les consommateurs. Ceci alimentait une forte suspicion d’entente sur les prix, pour permettre aux distributeurs d’hydrocarbures d’engranger un maximum de bénéfices possibles.

Le Conseil de la Concurrence en état de paralysie totale, faute de nomination de son Président et de ses membres, était (et est toujours) dans l’incapacité d’enquêter sur cette éventuelle entente, et d’infliger des amendes aux distributeurs de carburants si une entente sur les prix ou un abus de position dominante avait été constaté.

Le fait que Aziz Akhennouch (Afriquia, RNI), Mbarka Bouaida (Petrom, RNI) et Rkia Derham (Atlas Sahara, en quasi-duopole de distributeur de carburant dans les provinces du Sahara, USFP) soient membres du gouvernement actuel (et de celui de Benkirane pour les deux premiers) renforce cette suspicion de connivence entre l’exécutif et le secteur de distribution d’hydrocarbures.

Pour ne rien arranger aux choses, le rapport produit par la commission exploratoire parlementaire sur les prix des hydrocarbures exonère les distributeurs de toute responsabilité dans l’augmentation des prix, et considère que l’État est le plus grand gagnant dans la libéralisation des prix, et que les prix au Maroc sont parmi les plus bas de la région (!!). Une première version de ce rapport qui a fuité dans la presse, a au contraire incriminé les pétroliers d’avoir outrageusement augmenté leurs marges depuis la libéralisation des prix en décembre 2015.

Qu’en est-il vraiment?

A l’examen des comptes 2015 et publiés sur Inforisk ou par l’OMPIC, ainsi que sur le site de l’AMMC (en ce qui concerne Total Maroc cotée en bourse), l’analyse des marges est plus qu’édifiante.

Augmentation de la marge brute de 1,5 à 3,3 fois entre 2015 et 2016

La marge brute est la différence entre le prix d’achat des marchandises revendues et le prix de leur vente. Dans le cas des distributeurs d’hydrocarbures, il s’agit à plus de 95% de carburants. Le reste étant surtout des huiles de vidange et autres produits complémentaires vendus dans les stations services.

En analysant les comptes des 4 plus grands distributeurs du marché, totalisant une part de marché de 72%, la marge brute a progressé entre 2015 et 2016 (soit avant et après la libéralisation des prix) de 1,5 fois pour Afriquia à plus de 3,3 fois pour Total Maroc. (Les comptes 2015 de Petrom n’étaient pas disponibles).

Une marge nette jusqu’à 8% pour Total Maroc !

La marge nette est le rapport entre le résultat net (c’est-à-dire le gain après avoir soustrait toutes les charges d’achat et de fonctionnement) et le chiffre d’affaires des distributeurs. Les marges nettes ont tout simplement explosé après la libéralisation des prix en décembre 2015.

Des distributeurs comme Vivo Energy (Shell) qui ne faisaient qu’un petit 1,4% de marge nette, a multiplié sa marge par 4 pour atteindre 5,7%. De même pour Afriquia et Total Maroc.

Cette dernière, réalise par exemple pour le même chiffre d’affaires de 10,5 milliards de DH, un bénéfice de 800 millions de DH en 2016, contre “seulement” 400 millions de DH en 2015.

Le gain additionnel de ces sociétés en quelques mois est tout simplement phénoménal. En multipliant le volume écoulé sur le marché marocain par la marge supplémentaire engrangée par ces distributeurs, on arrive à un chiffre entre 15 et 17 milliards de DH en 30 mois de libéralisation des prix. Une partie de cette manne (20 à 30%) est allé dans les caisses de l’Etat sous forme d’impôt sur les sociétés, mais la majeure partie est allée renflouer les poches des actionnaires de ces sociétés, dont certains se retrouvent propulsés au premier rang des personnes les plus riches au Maroc.

Faut-il récupérer cet argent, indument prélevé des poches des marocains? Oui. Ces sociétés ont profité des connivences entre politiques et business pour passer des réformes en leur faveur, sans aucun contrôle de l’État. Comment le récupérer? En temps normal, le Conseil de la Concurrence aurait pu enquêter sur l’absence de concurrence entre ces sociétés et sur les prix très proches pratiqués par celle-ci. La loi permet d’infliger des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires en cas d’infraction avérée. Le Conseil de la Concurrence étant hors service pour le moment, cet argent doit être récupéré via des taxes exceptionnelles, mais non rétroactive, puisque la loi l’interdit. Une innovation fiscale plus que nécessaire pour rétablir, ne serait-ce qu’un semblant de justice fiscale dans ce pays.

Au royaume des grands projets, du rêve à la (dure) réalité

 

Les chiffres annoncés par le groupe chinois Haite pour son futur parc industriel à Tanger donnent le tournis: 10 milliards de dollars d’investissement sur 10 ans. 100.000 emplois créés par 200 compagnies installées sur 2.000 hectares.

L’ambitieux plan dévoilé en 2016 par le sulfureux Ilyas El Omari a d’abord été accueilli par un prudent scepticisme, la société porteuse du projet n’employant que mille personnes dans sa Chine natale. De plus, le timing de l’annonce pendant une période pré-électorale, propice à des promesses qui “n’engagent que ceux qui y croient” – comme disait Jacques Chirac, la rendait encore moins crédible.

Mais depuis mars dernier, cette promesse porte désormais une caution royale, matérialisée par une inauguration par le Souverain. Est-ce une garantie de réalisation? Pas si sûr.

L’histoire récente du Maroc regorge de contre-exemples trop vite oubliés.

En 1997, le PDG du conglomérat coréen Daewoo avait annoncé à Hassan II son intention de construire des unités de fabrication de produits électroniques et automobiles. Une énorme parcelle de terrain jouxtant la route nationale du côté de Nouaceur a même été réservée au projet. Vingt ans après, rien n’est sorti de terre.

En 2006, le groupe émirati Emaar avait promis, devant Mohammed VI, un investissement de 3 milliards de dollars dans un projet de réhabilitation de la façade atlantique de Rabat sur 331 hectares. Aujourd’hui, seul subsiste un bureau de vente fantôme sur la corniche de Rabat.

Emaar s’était aussi engagé la même année à investir 1,4 milliard de dollars sur 600 hectares à la station de ski d’Oukaïmden, afin de la mettre au niveau des plus grandes stations des Alpes! Là aussi, hormis quelques articles de presse, nulle concrétisation.

Certes, le Maroc a réussi de grands coups en termes d’investissements étrangers, à l’image de celui de Renault Tanger Med (qui aurait pu tomber à l’eau sans l’intervention salvatrice de la CDG en 2009), ou celui en cours de PSA à Kénitra. Or, montés et structurés méticuleusement par des équipes qui ne cherchaient pas que l’effet d’annonce, ces projets obéissaient à une logique industrielle faisant partie d’une stratégie globale de ces groupes.

Autrement, le Maroc est trop souvent la victime consentante d’annonces démesurées de groupes étrangers cherchant à gonfler artificiellement leur cours boursier, à obtenir des facilités dans leurs propres pays ou à servir les ambitions purement personnelles de leurs dirigeants.

Ces projets fantômes recèlent des dangers bien réels: ils risquent de créer un effet d’éviction vis-à-vis des investisseurs sérieux, lesquels peuvent être refroidis par la raréfaction du foncier qui en découle, par la pénurie de main d’œuvre dans tel bassin d’emploi ou par l’engorgement des capacités logistiques sur telle voie ferrée ou port à proximité.

D’où la tentation de chercher d’autres pays plus propices à leurs investissements. Tout l’enjeu pour le Maroc est de mieux comprendre les circuits de prise de décision chez les grands investisseurs, et leurs plans à moyen et long termes. Cela nous éviterait de bien malheureuses aventures.

Ne nous avait-on pas prévenus à l’école de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué? A fortiori quand il s’agit d’un panda.

 Tribune initialement publiée le 7 juillet 2017 sur Medias24
 

لهذا لن أصوت على العدالة والتنمية في تشريعيات 2016

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في 2011، وفي أوج الربيع العربي، خرج آلاف المغاربة إلى الشوارع للمطالبة بإصلاحات سياسية عميقة و ضد الفساد و من أجل إقرار مبدأ المحاسبة. تم تبني دستور جديد و الذي وإن كان محبطا قياسا إلى مستوى مطالب الشارع إلا أنه مثل تقدما نسبيا مقارنة مع دستور 1996. كان أمام الأحزاب التي خاضت غمار الانتخابات التشريعية التي تلت المصادقة على الدستور تحدي الإجابة على الانتظارات العديدة للمغاربة، والتي كانت ملخصة في الشعار الرئيسي لحراك 20 فبراير: كرامة، حرية و عدالة اجتماعية.

آنذاك، قدم حزب العدالة و التنمية نفسه كمدافع عن قيم النزاهة و الحكامة الجيدة و كمحارب للفساد و لكل مظاهر الريع، عبر شعاره: “صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الاستبداد”.

بفضل تطلع المغاربة للتغيير ورؤية حزب لم يتم بعد اختباره في السلطة، منح المغاربة أكثرية أصواتهم للعدالة و التنمية (مليون صوت من أصل 7 ملايين ناخب) مما أهله لتشكيل الحكومة.

ما هي حصيلة العدالة والتنمية بعد خمس سنوات في الحكم؟ هل استطاع الحزب الوفاء بوعوده الانتخابية و الإجابة على التطلعات الكبرى للمغاربة؟ هل يمكن تجديد الثقة في العدالة والتنمية لخمس سنوات أخرى في الحكم؟

على المستوى السياسي

بحكم أنها أول حكومة في ظل دستور 2011، كان الجميع يترقب كيف ستقوم حكومة بنكيران بتنزيل الوثيقة الدستورية. تمثل أول اختبار في مسلسل المصادقة على القانون التنظيمي للتعيينات في المؤسسات و المقاولات العمومية الاستراتيجية. ترك الفصل 49 من الدستور للقانون التنظيمي مجال تحديد لائحة هذه المؤسسات الاستراتيجية، و التي يعين الملك مسييريها، عبر المجلس الوزاري. في الوقت الذي كنا نتوقع أن يتراوح العدد بين 5 و 10 مؤسسات على أقصى تقدير، صوت نواب الأغلبية، بقيادة العدالة و التنمية، على قانون يشمل حوالي 40 مؤسسة، وهو ما شكل انتقاصا من جوهر العمل الحكومي و إبعادا لقطاعات استراتيجية من المراقبة الحكومية. أصبح بذلك رئيس الحكومة بدون سلطة على مؤسسات كصندوق الإيداع والتدبير و المكتب الشريف للفوسفاط والمكتب الوطني للسكك الحديدية والمكتب الوطني للماء والكهرباء ومكتب الهيدروكاربورات والمعادن ومكتب المطارات والخطوط الملكية المغربية وصندوق الضمان الاجتماعي وبنك CIH وشركة العمران و !الشركة الوطنية للإذاعة والتلفزة والقرض الفلاحي، بل و حتى شركة تشجيع الفرس! من الخيمة خرج مايل

بعد بضعة أشهر و إثر خروج حزب الاستقلال من الحكومة، بادر بنكيران إلى تغيير الوزراء الاستقلاليين بآخرين من التجمع الوطني للأحرار، وعلى رأسهم مزوار، نفس مزوار الذي كان بنكيران يصفه بأقذع النعوت خلال حملة 2011.

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على المستوى الاقتصادي

أتت حكومة بنكيران في 2011 في إطار ماكرو اقتصادي صعب، في ظل ارتفاع صارخ لأسعار النفط و في سياق انعكاسات الأزمة العالمية على المغرب و على شركائه الاقتصاديين. رغم التحسن العام للإطار الماكرو اقتصادي المسجل حاليا، إلا أن هذا التحسن لا يمكن نسبته للعمل الحكومي. فتراجع عجز الميزانية و تحسن الميزان التجاري و ميزان الأداءات يرجعان بالأساس لانخفاض أسعار النفط في الأسواق الدولية.

بالمقابل عرفت المديونية العمومية تضخما فادحا في ظل حكومة بنكيران. فقد بلغت 82% من الناتج الداخلي الخام في أواخر 2015، و هو ما يتجاوز عتبة ال 70% المنصوح بها لدولة سائرة في طريق النمو كالمغرب. يجمع المحللون على استحالة استدامة هذه المستويات من المديونية العمومية، و الأدهى أن الحكومة لم تقم بأي إجراء عملي لكي يتوقف النزيف.

يشمل رصيد هذه الحكومة، المتشبعة بالعقيدة الليبرالية المتوحشة – الأولتراليبرالية (والتي نجحت في إخفائها عن ناخبيها في 2011)، إجراء آخر اعتبره الكثيرون، عن خطأ، مشروع إصلاح لصندوق المقاصة وهو تحرير أسعار المحروقات. قام لوبي موزعي المحروقات، الممثل بقوة في الحكومة بوزيرين، بضغط رهيب لكي ترفع الدولة يدها عن تحديد أسعار توزيع المحروقات. والنتيجة؟ أصبح موزعو المحروقات هم من يقومون بتحديد أسعار التوزيع في محطات الوقود بطريقة تجعل الأسعار لا تتغير بنفس وتيرة تغير سعر البرميل على المستوى الدولي. ستستمر هذه الممارسات بدون محاسبة في المغرب اللهم إذا استيقظ مجلس المنافسة من سباته العميق.

هناك كارثة أخرى في طور التحضير: تحرير سعر صرف الدرهم. ترتبط العملة الوطنية حاليا بسلة عملات محددة من طرف سلطات الرقابة المالية (موزعة حاليا بين60 في المائة من اليورو و40 في المائة من الدولار). سيصبح سعر صرف الدرهم بعد التحرير خاضعا لقانون العرض و الطلب في سوق العملات، وستتعرض العملة الوطنية لمخاطر الانهيار عند أدنى صدمة اقتصادية أو سياسية، مما سيؤدي لارتفاع تكاليف استيراد المواد الأولية و مواد التجهيز وهو ما سيؤثر بشكل مباشر على القدرة الشرائية للأسر. هل هم واعون بفداحة هذا الإجراء الذي قاوم المغرب لعقود محاولات فرضه من طرف صندوق النقد الدولي؟

هذا الأخير و الذي رفع يده عن المغرب بعد انقضاء 10 سنوات مؤلمة من برنامج التقويم الهيكلي، في 1983، استطاع فرض نفسه من جديد في ظل هذه الحكومة، عبر خط الاحتياط و السيولة (وهو في الواقع مجرد آلية ائتمانية دون أي تحويل أموال إلى اليوم). يحاول الصندوق عبر هذا الخط أن يفرض بكل الوسائل، ودون أن يواجه أية ممانعة، وصفته الأولتراليبرالية التي أثبتت فشلها: تحرير الأسعار، تحرير سعر صرف العملة الوطنية، تقشف الميزانية،….

لن أسهب كثيرا في “مشروع إصلاح” صندوق المقاصة، و الذي رغم مشروعيته تم تقزيمه إلى مجرد حذف لمبالغ الدعم، عوض أن يتم إعادة توجيهها نحو الأسر الأكثر فقرا، أو أن يتم استغلالها مثلا لتحفيز إدماج مستدام للطاقات المتجددة لدى الأسر المغربية. لن أتكلم أيضا عن مشروع إصلاح أنظمة التقاعد العمومية المدنية، و التي تجاهلت معطيات كثيرة و صورت بالمقابل أن هرم أعمار المغاربة مطابق لنظيره في فرنسا أو ألمانيا. سأذكر فقط في الختام بأن هذه الحكومة رفعت في 2014 الضريبة على القيمة المضافة على منتجات أساسية (كالسكر و الشاي و الزبدة…) مؤدية بذلك إلى تقويض إضافي للقدرة الشرائية الهزيلة أصلا للمغاربة الأكثر فقرا.

 على مستوى الحريات و مكافحة الفساد

آمال كبرى تلك التي علقت على حكومة بنكيران على مستوى مكافحة الفساد و حماية الحريات العامة، بالنظر إلى الدستور الجديد و إلى الوعود الانتخابية.

كانت البداية مع موضوع المأذونيات الريعية الممنوحة من طرف الدولة. بمجرد ما تم نشر لوائح المستفيدين من مأذونيات حافلات النقل و تراخيص استغلال المقالع، ظن الجميع أن إصلاحا عميقا على وشك الحدوث. للأسف “ما وقع والو”. لم يتم تسجيل أي إجراء عملي يساهم في استئصال سرطان الريع الذي ينخر المغرب و الذي يمنح امتيازات لآلاف الأشخاص لمجرد أنهم قريبون من دائرة السلطة.

ثم جاءت قضية “بريمات مزوار“، الذي كان حينها وزيرا للمالية (قبل أن يتولى حقيبة الخارجية) والذي كان يتبادل علاوات استثنائية (عطيني نعطيك) مع مدير الخزينة العامة. هل أفضى ذلك إلى متابعات قضائية؟ نعم، فقط ضد من قاموا بتسريب الوثائق التي تثبت العملية. وكانت تلك رسالة واضحة من حكومة البيجيدي إلى كل الأصوات التي قد تسول لها نفسها بالتبليغ عن قضايا فساد: سدو فمكوم. كاليك ” صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الإستبداد”.

قضية أخرى أحدثت ضجة في المغرب: سجن علي أنوزلا، مدير نشر موقع لكم و الذي كان قد نشر مقالة متضمنة لفيديو دعائي لتنظيم القاعدة. في الوقت الذي انتظرنا أن ينتصر وزير الاتصال الخلفي لحرية الصحافة و حقها في التعبير عن الأحداث كما هي، قام هذا الوزير (والصحفي سابقا) والمشهور بالمبالغة في تصريحاته الرنانة رفقة زميله وزير العدل الرميد (وهو للتذكير رئيس النيابة العامة) بصياغة بيان ناري يزيد في إغراق أنوزلا عبر اتهامات خطيرة. رغم أن القضية انتهت بسلام (رغم ذلك أنوزلا لا يزال متابعا في قضايا أخرى) إلا أنها أثبتت بأن البيجيدي لا يهتم كثيرا بالدفاع عن حرية الصحافة بالمفهوم المتعارف عليه كونيا.

كانت لحكومة البيجيدي فرصة ذهبية أخرى لكي تثبت بأنها جادة في محاربة الفساد: القانون التنظيمي المنصب لهيئة محاربة الرشوة. رفضت الحكومة بقوة أن توسع من اختصاصات الهيئة و قزمت وظيفتها في إعداد التقارير و بعض التدابير الفضفاضة.

نسجل أيضا التحرش الممنهج ،الذي وصل إلى المنع، والذي مارسته الحكومة تجاه أنشطة المنظمات المنتقدة للسلطات، في حالات فريدوم ناو، أطاك، الجمعية المغربية لحقوق الإنسان، جمعية الحقوق الرقمية… تبقى قضية المعطي منجب ورفاقه أبلغ مثال على حملات التضييق و التي اكتفى خلالها البيجيدي وحلفاؤه بأدوار المتفرجين.

أخيرا، أتى قرار منع الوكالة الوطنية لتقنين الاتصالات لل VoIP كتتويج لمسلسل 5 سنوات من انتهاك الحريات. أمرت هذه الوكالة، التي يرأس بنكيران مجلس إدارتها، من شركات الاتصالات قطع خدمات ال VoIP عن زبنائها ضاربة بعرض الحائط الإيجابيات الاقتصادية و الاجتماعية التي تجعل ملايين المغاربة، في الداخل والخارج، يلجؤون إلى هذه التقنية التواصلية الرائعة، خصوصا الطلبة و المقاولين منهم.

 واللائحة طويلة: مشروع القانون الجنائي، انتهاك الحريات الشخصية، الاستعمال المبالغ فيه للقوة خلال المظاهرات العمومية… مما يجعلنا نعاود قراءة البرنامج الانتخابي للبيجيدي فربما كان كل هذا محررا في أسطر غير ظاهرة.

على مستوى الخدمات العمومية والاجتماعية

خلال ولاية البيجيدي، وصلت جودة الخدمات العمومية إلى الحضيض: تعليم، صحة، بنيات تحتية، نقل… إذا كان الكل يجمع على كارثية الوضع، هناك اختلاف على مستوى الحلول المقترحة…

فأمام وضعية تمتص فيها دماء الطبقة المتوسطة بإرغامها على اللجوء إلى المدارس الخاصة لكي توفر تعليما مقبولا لأطفالها (الطبقات الفقيرة مغلوبة على أمرها و لا خيار لها في هذه المسألة…) حيث تخصص الأسرة الواحدة في المتوسط 25 بالمائة من مدخولها لتعليم أطفالها؛ يتجرأ بنكيران على التصريح، أمام هذه الوضعية، بأنه “آن الأوان للدولة بأن ترفع يدها عن بعض القطاعات كالصحة و التعليم” مضيفا بأن “دور الدولة يجب أن لا يتجاوز دعم الفاعلين الخواص المهتمين بهذين المجالين”. مرة أخرى تؤكد أولتراليبرالية البيجيدي على نفسها بطريقة صارخة، متجاهلة طموح الطبقة المتوسطة المشروع في الاستفادة من خدمات عمومية في المستوى في مقابل الضرائب الثقيلة التي تدفعها. هذا دون الحديث عن تدمير المدرسة العمومية، التي كانت تشكل رافعة اجتماعية مكنت العديد من أبناء الأسر الفقيرة من الولوج إلى المعرفة و المساهمة في بناء وطنها.

إذا كان المغرب قد حقق بعض التقدم في إنشاء بنيات تحتية كبرى، فالنقل الحضري و البنية التحتية القروية لا يزالان في مستويات كارثية. وأذكركم في هذا الصدد بتصريح الرباح في البرلمان تعليقا على انهيار العشرات من الطرق و القناطر إثر فياضانات بالجنوب، كما لو كانت مبنية من ورق:”ليست للدولة إمكانيات لإنشاء و صيانة بنية تحتية وقناطر جيدة في الجنوب”. نفس الدولة المشار إليها هنا لديها إمكانيات لكي تمد خط قطار فائق السرعة على طول 200 كم بكلفة 25 مليار درهم (أي ما يعادل كلفة بناء 25 ألف مدرسة و 25 مستشفى جامعي)، إلا أنها لا تملك موارد لصيانة طرق تعتبر الوسيلة الوحيدة لفك عزلة ملايين المغاربة الذين يعيشون في مناطق معزولة من البلاد. فلتذهب الأولويات إلى الجحيم.

فضيحة أخرى يجب إضافتها إلى حصيلة تدبير المرفق العمومي: تفويض تسيير معالم تاريخية إلى الخواص. كيف يعقل أن يتم تفويت جواهر تراثنا الحضاري العابر للقرون عبر آلية الصفقات العمومية للمنافس الأقل ثمنا. لا يمكن وصف ذلك بشيء آخر غير كونه “جريمة”.

إذن لمن سنصوت؟

إذا كان البيجيدي يشتكي اليوم من “التحكم” و من تدخل المخزن في إعداد الانتخابات، فهو يتناسى بأنه كان يتوفر على هامش كبير لكي يطور اللعبة الانتخابية في اتجاه أكثر إنصافا و شفافية (يستفيد منه الجميع)، وذلك عبر إقرار مجموعة من التدابير و القوانين. وأذكركم هنا برفضهم إنشاء هيئة مستقلة للإشراف على الانتخابات و إلغاء ضرورة توفر رؤساء الجماعات على مستوى تعليمي أدنى ناهيك عن الترخيص لمروجي مخدرات سابقين للترشح للانتخابات.

لمن نمنح أصواتنا في 2016، بعد أن فشل البيجيدي تماما في الوفاء لوعوده العديدة التي أطلقها في 2011؟ بالتأكيد لن نمنحها لكراكيز المخزن الذين لا هم لهم إلا الاستفادة من المنظومة القائمة، هم و أقرانهم (خصوصا الأثرياء منهم) و الذين يساهمون في تأبيد السلطوية و الفساد الذين ينخران المغرب منذ استقلاله.

أنا شخصيا سأمنح صوتي لقوة سياسية تمثل خطا ثالثا يفتح أمام المغرب، فيدرالية اليسار الديمقراطي، و التي تناضل من أجل إرساء دولة حق و قانون حقيقية. مناضلوها أبناء للحركة الوطنية، ظلوا دوما صامدين أمام ضغط الآلة المخزنية. لا يتوقفون عن المقاومة و النضال، على امتداد تراب المغرب، من أجل قيم الديمقراطية و العدالة الاجتماعية. هو خط ثالث يشق طريقه بحزم، بعيدا عن الإسلاميين الذين رغم إيديولوجيتهم المحافظة كانوا أولتراليبيراليين على المستوى الاقتصادي، و بعيدا أيضا عن المخزيين اللاديمقراطيين الذين يهتمون فقط باستمرار امتيازاتهم.

خط فيديرالية اليسار الديمقراطي هو بالنسبة لي آخر أمل.

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Pourquoi je ne voterai pas PJD aux législatives de 2016

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Rappelez vous en 2011, en plein printemps arabe, des milliers de marocains étaient sortis dans les rues pour réclamer des réformes politiques profondes, moins de corruption, et plus de rédition des comptes. Une nouvelle constitution fut adoptée, certes décevante par rapport aux revendications de la rue, mais apportant quelques améliorations institutionnelles par rapport à celle de 1996. Des élections législatives furent organisées, pour choisir le(s) parti(s) qui allai(en)t répondre aux attentes des marocains, bien nombreuses, mais bien résumées par le principal slogan du mouvement du 20 février : dignité, liberté, équité sociale.

Pendant ces élections, le PJD s’était positionné en défenseur de la moralité et de la bonne gouvernance, et en combattant de la corruption, et de tous types de privilèges, avec son slogan : “صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الإستبداد”

Les marocains, avides de changement, et constatant que ces islamistes n’ont pas encore eu d’expérience au pouvoir, ont donné la majorité de leurs voix au PJD (1 million sur 7 millions de votants), ce qui lui a permis de diriger le gouvernement.

Quel bilan après 5 ans au pouvoir? Le PJD a-t-il rempli ses promesses électorales et répondu aux immenses attentes des marocains? Peut-on refaire confiance au PJD pour 5 autres années au pouvoir?

Sur le plan politique

Le gouvernement Benkirane était le premier à gouverner sous la Constitution de 2011. On l’attendait de pied ferme sur sa manière de l’appliquer. Son premier test a été l’adoption de la loi organique sur les nominations à la tête des établissements et entreprises stratégiques. L’article 49 de la constitution avait laissé le soin à cette loi de préciser la liste de ces établissements stratégiques, dont le roi, à la tête du conseil des ministres, nommait leurs dirigeants. Alors qu’on s’attendait à 5 à 10 organismes grand maximum, les députés de la majorité, PJD à leur tête, ont voté une loi incluant une quarantaine d’ entreprises à cette liste, vidant l’action gouvernementale de sa substance, et ôtant des secteurs stratégiques au contrôle du gouvernement. Le chef du gouvernement se retrouve alors privé de contrôle sur la CDG, OCP, l’ONCF, l’ONEE, l’ONHYM, l’ONDA, la RAM, la CNSS, le CIH, Al Omrane, la SNRT, le Crédit Agricole, et même la Société d’Encouragement du Cheval! La couleur était annoncée.

Quelques mois plus tard, et suite à la sortie de l’Istiqlal du gouvernement, Benkirane se retrouve à remplacer les ministres istiqlaliens par le RNI, Mezouar à leur tête, alors qu’il avait traité de tous les noms lors de la campagne de 2011.

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Sur le plan économique

Le gouvernement dirigé par Benkirane avait hérité en 2011 d’une situation macroéconomique compliquée, notamment à cause de la flambée des cours du pétrole, et aux répercussions de la crise mondiale sur le Maroc et ses partenaires économiques. Elle est globalement plus confortable aujourd’hui, mais ce n’est certainement pas grâce à ses actions. La baisse du déficit budgétaire, l’amélioration de la balance commerciale et de la balance des paiements sont essentiellement dus à la baisse du prix du pétrole sur les marchés internationaux.

La dette publique a quant à elle explosé sous le gouvernement Benkirane. Elle s’est située à fin 2015 à 82% du PIB, ce qui est bien supérieur au seuil admis de 70% pour des pays en développement comme le Maroc. Tous les analystes s’accordent à souligner l’insoutenabilité d’un niveau pareil d’endettement public. Et aucune action concrète n’a été prise par le gouvernement pour arrêter l’hémorragie.

Le gouvernement Benkirane, fort de sa doctrine ultralibérale (qu’il avait bien caché à ses électeurs en 2011) a également à son actif une mesure que beaucoup ont associé, à tort, à la réforme de la caisse de compensation : la libéralisation des prix du carburant. Le lobby des distributeurs pétroliers, bien représenté dans le gouvernement par deux ministres, a pesé de tout son poids pour que l’Etat cesse de fixer les prix de distribution des carburants. Résultat : ces pétroliers fixent eux même les prix de vente à la pompe, quitte à ce que ces prix ne varient pas avec la même amplitude que le prix du baril à l’international. Au Maroc, on peut se permettre de fermer l’œil sur ces pratiques, tant que le Conseil de la Concurrence ne se réveille pas de son profond sommeil.

Autre catastrophe en préparation : la libéralisation du dirham. Aujourd’hui, la monnaie nationale évolue selon une pondération fixée par les instances de régulation (60% en euro et 40% en dollar, à date d’aujourd’hui). Après cette libéralisation, le dirham n’obéira qu’aux règles d’offre et de demande des marchés pour fixer son prix. Au moindre petit choc économique ou politique, la monnaie nationale peut s’effondrer, et provoquer une hausse substantielle des prix des matières premières et équipements importés, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages. Se rendent-ils comptent de la gravité de cette mesure que cherche à imposer, sans succès jusque là, le FMI depuis des décennies au Maroc?

Le FMI qui avait quitté le Maroc à l’issue du très douloureux Plan d’Ajustement Structurel, mis en place en 1983, et qui a duré une dizaine d’années, a de nouveau remis les pieds au Maroc sous ce gouvernement. Grâce à la ligne de précaution et de liquidité (LPL) (une sorte d’assurance, mais sans déblocage de fonds jusqu’à ce jour), il essaie d’imposer, sans résistance, sa recette ultralibérale tous azimuts, et qui a prouvé ses échecs par ailleurs : libéralisation des prix, libéralisation de la devise nationale, austérité budgétaire…

Je ne m’attarderai cependant, sur la “réforme” de la caisse de compensation, plus que nécessaire certes, mais qui s’est soldée par une suppression pure des subventions, au lieu de les redistribuer vers les ménages les plus pauvres ou d’en profiter, par exemple, pour favoriser une installation durable des énergies renouvelables dans les ménages. Je ne m’attarderai pas non plus sur la réforme des retraites publiques civiles, qui n’a tenu compte que de quelques paramètres, et omis que la moyenne d’âge des marocains est encore loin de celle des français ou des allemands. Et je rappellerai pour finir que ce gouvernement avait augmenté la TVA sur les produits de base (sucre, thé, beurre…) en 2014, sapant encore plus le faible pouvoir d’achat des plus démunis.

Sur le plan des libertés et du combat contre la corruption

Au vu de l’adoption de la nouvelle constitution, et de ses innombrables promesses électorales,  Le gouvernement de Benkirane était très attendu sur le plan de la lutte contre la corruption et sur le respect des libertés publiques.

Il y a eu tout d’abord la gestion des rentes accordées par l’Etat. Suite à la publication de la liste des propriétaires des agréments de transport par autocar et des carrières, tout le monde avait cru à une réforme profonde à venir. Ah ben non. Rien. Absolument rien n’a été fait pour abolir cette rente qui gangrène le Maroc, et qui est accordée à des milliers de personnes, qui ont très souvent pour seul mérite d’être proche du pouvoir.

Et puis il y a eu cette affaire des primes de Mezouar. Celui qui était à l’époque ex-ministre des finances (et pas encore ministre des affaires étrangères), a échangé des primes exceptionnelles avec le Trésorier Général. Y a-t-il eu des poursuites judiciaires? Oui. A l’encontre de ceux qui ont supposément fait fuiter les documents prouvant la transaction. Et contre personne d’autre. Ainsi, le gouvernement PJD a donné le signal à tous ceux qui étaient susceptibles de faire des révélations sur des affaires de corruption, de se taire à jamais. “صوتك فرصتك لمحاربة الفساد و الإستبداد” disaient-ils.

Autre affaire qui avait secoué le Maroc : celle de l’emprisonnement de Ali Anouzla, directeur de la publication du site Lakome.com et qui avait publié un article accompagné d’une vidéo de propagande d’Al Qaeda. Au lieu de défendre le droit de tout journaliste à s’exprimer librement, et à présenter les faits tels qu’ils sont, le très bavard et prétentieux ministre ex-journaliste El Khalfi s’est fendu avec son camarade de la Justice Ramid (par ailleurs chef du parquet), d’un communiqué incendiaire, enfonçant Anouzla et l’accusant de tous les maux. L’affaire a heureusement eu un dénouement heureux (même si Anouzla est toujours poursuivi pour d’autres affaires), mais a prouvé qu’il importait très peu au PJD de défendre la liberté de la presse, telle qu’universellement admise.

Une autre occasion en or s’est présentée au gouvernement PJD pour prouver sa sincérité dans la lutte contre la corruption : la loi organique institution l’instance nationale de lutte contre la corruption. Le gouvernement a férocement refusé d’élargir ses prérogatives, et a gardé son périmètre confiné dans la production des rapports et de vagues mesures de lutte contre cette corruption qui gangrène le pays.

On évoquera également le harcèlement permanent, voire l’interdiction des activités d’associations critiques envers le pouvoir, comme Freedow Now, Attac, l’AMDH, ADN/Raqmiya… Les poursuites contre Maâti Mounjib et ses amis ont constitué le point d’orgue dans cette campagne de harcèlement, contre laquelle, le PJD et ses alliés sont restés spectateurs.

Et puis last but not least, l’interdiction de la VoIP par l’ANRT est venu couronner ces 5 ans de transgression de libertés. L’ANRT, dont le conseil d’administration est présidé par Benkirane a explicitement demandé aux opérateurs de couper la VoIP à leurs abonnés, faisant fi des raisons économiques et sociales qui poussent des millions de marocains, au Maroc ou à l’étranger, étudiants ou entrepreneurs, à utiliser ce formidable outil de communication.

La liste est encore longue : projet de code pénal, transgression des libertés individuelles, usage excessif de la force lors de manifestations publiques… A se demander s’il n’y avait pas de lignes cachées sans ce sens dans le programme électoral du PJD.

Sur le plan des services publics et sociaux

La qualité des services publics a atteint des abysses pendant ce mandat du PJD : enseignement, santé, infrastructures, transport… Et si le constat est unanime, les solutions ne le sont pas.

Alors que la classe moyenne se saigne à blanc pour éduquer convenablement ses enfants dans les écoles privées (les classes les plus pauvres n’ont guerre le choix…), et consacre en moyenne 25% des revenus du ménage à l’éducation de ses enfants, Benkirane ne trouve rien de mieux à déclarer qu’“il est temps que l’État lève le pied sur certains secteurs, comme la santé et l’éducation” et que “le rôle de l’État doit se limiter à assister les opérateurs privés qui veulent s’engager sur ces secteurs”. L’ultralibéralisme du PJD est donc à nouveau révélé au grand jour, au grand dam de cette classe moyenne qui attend des services publics de qualité, en échange des lourds impôts qu’elle paye. Sans parler de la destruction de l’école publique, ce formidable ascenseur social qui a permis à tant d’enfants de familles pauvres d’accéder au savoir et de contribuer à la construction de leur pays.

Si le Maroc a réalisé certains progrès notables dans la construction de certaines grandes infrastructures, le transport urbain intra-ville et les infrastructures rurales reste catastrophique. Et rappelez vous cette citation de Rebbah au parlement après la destruction comme des châteaux de carte de dizaines de ponts et de routes suite aux inondations dans le sud : “L’Etat n’a pas les moyens d’avoir une bonne infrastructure et d’entretenir et construire de bons ponts dans le Sud”. Ce même Etat a les moyens de construire une ligne de TGV de 200 Km à 25 milliards de DH (soit l’équivalent de 25 000 écoles ou 25 centres hospitaliers universitaires), mais n’a pas les moyens d’entretenir les seuls routes qui désenclavent des millions de marocains vivant dans des contrées isolées du pays. Le sens des priorités? Au diable.

Autre aspect calamiteux dans la gestion des services publics : la gestion déléguée des monuments historiques à des opérateurs privés. Ou comment offrir les joyaux de notre patrimoine,  qui a traversé des siècles, au moins disant d’un marché public. C’est tout simplement criminel.

Pour qui voter alors?

Si aujourd’hui, le PJD se plaint du “Tahakkoum” et de l’ingérence du Makhzen dans la préparation aux élections, on oublie que le parti islamiste avait amplement le moyen de rendre le jeu électoral plus équitable et transparent (pour tout le monde), en instaurant certaines mesures et en votant des lois. Rappelez-vous le refus de créer une instance indépendante pour les élections, l’abolition du minimum d’études pour les présidents de commune, de l’autorisation accordée aux ex-trafiquants de drogue à se présenter aux élections.

Face à l’échec criant du PJD à tenir ses innombrables promesses de 2011, à qui donner sa voix en 2016? Certainement pas aux marionnettes du Makhzen, qui ne cherchent qu’à profiter du système , à en faire profiter leurs amis (les plus nantis surtout), mais surtout à faire perdurer l’autoritarisme et la corruption qui a gangrené le Maroc depuis son indépendance.

J’offre personnellement ma voix à une force politique qui représente une troisième voie pour le Maroc. Celle de la Fédération de la Gauche Démocratique qui milite pour l’instauration d’un vrai état démocratique. Ses militants, issus du mouvement national, n’ont jamais failli devant la pression de la machine makhzanéenne. Ils continuent de résister et de militer, partout au Maroc, pour les valeurs de démocratie et de justice sociale. Cette troisième voie est en construction, loin des islamistes conservateurs idéologiquement mais ultralibéraux économiquement, et des makhzanéens anti-démocrates, qui ne cherchent qu’à faire perdurer leur privilèges. Cette voie de la FGD est, pour moi, le dernier espoir.

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Sept mythes sur la démocratie au Maroc

Benkirane Folklore

Ceci est un article écrit par un chercheur britannique, Till Bruckner, qui n’a passé que 6 mois au Maroc. Il décrit avec une lucidité déconcertante, la réalité politique du Maroc, et les enjeux difficiles qui l’attendent, loin du “tropisme marocain” auquel nous ont habitués certains médias et think tanks.

La version originale a été publiée sur Open Democracy. Il a été traduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

Le Maroc : stable, réformiste, et avance à pas lents vers la démocratie, n’est-ce pas? Faux. Quelques mythes communs démystifiés.

A en juger par les récits des médias et les rapports de think tanks, de nombreux commentateurs étrangers semblent incapables (ou ne veulent pas) raisonner au-delà de l’image réformiste que les autorités marocaines cherchent à projeter à l’étranger.

Ce bref article, basé sur un séjour de recherche de 6 mois dans le pays, vise à démystifier sept mythes courants sur la prétendue transition démocratique au Maroc.

Quelques mises en garde toute de même : Je n’a pas l’intention de critiquer le Maroc, ses dirigeants ou son peuple. Aucun étranger ne pourrait critiquer le Maroc aussi incisivement, violemment et avec humour que les Marocains eux-mêmes. Aussi, je ai pas l’intention de donner des leçons aux marocains sur la liberté et la démocratie. Je vais laisser cette tâche aux diplomates occidentaux: les Français qui prêchent la liberté d’expression à l’étranger tout en réprimant les voix critiques chez eux, les Américains qui envoient des personnes se faire torturer au Maroc, et donner des leçons aux «Monde Arabe» à propos des droits de l’Homme, et les Britanniques qui luttent sans relâche contre la corruption à l’étranger tout en couvrant les cas de corruption qui impliquent leur propre élite.

En discutant les sept mythes ci-dessous, je suis parfaitement conscient que, après seulement six mois passés au Maroc, ma compréhension de ce pays très complexe et très diversifié reste très limitée. Les lecteurs sont encouragés à ajouter leurs propres points de vue dans la section des commentaires au bas de cet article.

Mythe 1: Le Maroc est une monarchie constitutionnelle

Faux. Le Maroc n’est pas une monarchie constitutionnelle . C’est une monarchie avec une constitution écrite. (Le terme “Constitutional Monarchy” est l’équivalent de “Monarchie Parlementaire” en français, NDT)

Il y a une séparation des rôles, mais pas de séparation des pouvoirs: politique, économique et religieux sont tous concentrés au Palais royal, qui prend toutes les décisions importantes et contrôle tout dans les faits : le Parlement, le pouvoir judiciaire et les forces de sécurité, la plupart des médias et les sphères non-gouvernementales.

Aux cotés de ce pouvoir, il y a un spectacle de marionnettes assez divertissant appelé “gouvernement”, et une comédie de longue durée appelé “Parlement”, avec un mélange de partis politiques hargneux ayant la capacité de générer une quantité infinie d’intrigues amusantes, mais sans conséquences. 

Toutes les quelques années, il y a une élection au cours de laquelle les cartes sont redistribuées et quelques nouveaux jokers font leur apparition afin de maintenir une illusion de changement.

Mythe 2: le Palais a adopté la réforme démocratique

Faux. Certes, le Palais a institué certaines réformes très importantes depuis que le roi Mohamed VI est monté sur le trône en 1999: le développement des infrastructures, l’électrification rurale , une plus grande liberté de parole, et moins de torture dans les prisons. Mais aucune d’entre elles ne sont des réformes démocratiques en soi.

En 2011, lorsque des manifestants inspirés par le Printemps Arabe sont descendus dans les rues, le palais a promis des réformes démocratiques et a présenté une nouvelle Constitution qui garantit un bon nombre de libertés politiques, tout comme la constitution d’Allemande de l’Est de l’ère stalinienne. Et comme dit un proverbe allemand: Le papier est patient, vous pouvez écrire n’importe quoi dessus, et il ne se plaindra pas.

Le Palais a promis la démocratie avant même l’indépendance. Et il va continuer à promettre des réformes démocratiques à l’avenir. Rien d’exceptionnel en somme.

Mythe 3: il y a un processus de démocratisation

Faux. Dès que les manifestations du Printemps Arabe ont perdu leur élan, en partie en raison de la répression policière – la démocratisation a été mise en veille.

La démocratisation au Maroc est une rue à double sens, et en ce moment le pays est en marche arrière. Pour ne donner qu’un exemple, la Constitution consacre l’accès à l’information comme un droit fondamental de tous les citoyens. Le dernier projet de la loi organique ajoute une touche kafkaïenne: les citoyens ont le droit d’accéder à l’information, mais s’ils publient ensuite ces informations, ils pourraient être envoyés en prison pour cela.

Ainsi, la danse continue: un pas en avant, un pas en arrière.

Mythe 4: Les Marocains ont choisi l’évolution dans la révolution

Faux. Marocains n’ont jamais été autorisés à choisir entre ces options, et personne ne sait ce que la majorité choisirait dans le cas peu probable où ils seraient consultés sur la question. En outre, le Palais a empêché l’émergence de toute alternative crédible à lui-même : évolution, révolution ou autre.

Seul un quart des Marocains adultes ont pris la peine de participer à la dernière mascarade électorale . Dans tous les cas, les Marocains ont choisi collectivement “l’apathie politique” plutôt que l’évolution ou la révolution.

Mythe 5: la création d’emplois est les plus grand défi d’aujourd’hui

Faux. Beaucoup de jeunes Marocains sont inemployables dans les conditions actuelles du marché libre, de globalisation et de libre-échange, et cela ne changera pas de sitôt.

La plupart des diplômés des écoles marocaines sont terriblement mal outillés pour occuper les plus hautes positions du marché mondial de l’emploi, à cause du lamentable système d’éducation public ; le Palais pilote l’actuelle refonte de ce système, qui en cas de succès, prendra au moins une génération à donner ses fruits.

Dans le même temps, la main-d’œuvre semi-qualifiée et non qualifiée marocaine n’est pas compétitive. Tragiquement, alors que le salaire minimum d’environ un euro par heure ne suffit pas pour une famille pour vivre décemment dans une grande ville marocaine, son coût est prohibitif dans un monde globalisé dans lequel les travailleurs d’usines sont payés ailleurs moins de cinquante euros par mois.

Aujourd’hui, le défi n’est pas de créer des millions d’emplois, ce qui est impossible à court terme. Le véritable défi est d’empêcher des millions de jeunes gens en colère d’exprimer collectivement leur rage contre un système qui les néglige et les a laissés pourrir pendant que les enfants des riches instruits dans le privé s’accaparent les meilleurs emplois.

Mythe 6: Le Maroc est un îlot de stabilité

Faux. Le Maroc peut être moins instable que l’Algérie, la Libye, l’Egypte ou la Mauritanie, mais cela n’en fait pas un pays stable. Le Maroc est traversé par de multiples lignes de fissure: riches et pauvres, urbains et ruraux, arabes et berbères, traditionalistes et modernistes, avec une pléthore de fortes identités régionales. Ces divisions préexistantes pourraient facilement être approfondis et exploitées par des acteurs politiques sans scrupules, si l’occasion se présente.

Les manifestations qui ont éclaté dans tout le pays pendant le Printemps Arabe ont fini en émeutes dans de nombreuses villes. Dans un proche avenir, la stabilité sociale déjà précaire du Maroc sera encore tendue par le nombre croissant des jeunes inemployables (voir ci-dessus) et les effets dévastateurs du changement climatique. Selon la Banque mondiale, «de larges portions de terrains actuellement exploités grâce à l’agriculture pluviale, devraient être abandonnés ou transformés en terres de pâturage; les pâturages actuels, quant à eux, pourraient devenir impropres à toute activité agricole “.

Imaginez le scénario suivant: une grave sécheresse cause une chute libre de l’économie et de violentes manifestations éclatent dans tout le pays. De quelle stabilité parlera-t-on?

Mythe 7: tout le monde est d’accord que plus de démocratie est meilleur pour le pays

Faux. Le Chef de Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que le rôle de son gouvernement est de mettre en œuvre des directives royales. Les partis politiques sont des pyramides d’intérêt étroits qui ne pratiquent même pas la démocratie interne. Les chefs d’entreprise semblent peu susceptibles de tolérer de grands risques politiques dans un contexte de croissance économique positive à long terme.

La plupart des citoyens ne votent pas; la plupart ne manifestent pas activement contre le système. Que veulent les marocains? Aucun sondage fiable ne le dit, et personne ne peut le prévoir.

Quant à l’Amérique et l’Europe, pourquoi risquer la démocratie au Maroc si vous pouvez traiter directement avec un roi «réformiste» qui garde les importations à un niveau élevé, les islamistes tenus à l’écart, et les immigrants illégaux hors d’Europe?

Pour résumer: malgré les réformes importantes sur de nombreux fronts, le Maroc n’évolue pas vers plus de démocratie, et il semble peu probable qu’il le fasse dans un avenir prévisible. La stabilité, déjà précaire, subira une pression supplémentaire inévitable en raison de l’inemployabilité des jeunes, et des effets du changement climatique.

Une seule chose est certaine: analyser à travers une vision téléologique de la «démocratisation» n’aidera personne à comprendre le présent du Maroc ou à prédire son avenir.

Rebbah, Boulif, Khlie : dégagez!

Déraillement train Khouribga
Déraillement d’un train phosphatier à Khouribga (Source)

Depuis quelques semaines, l’ONCF part en vrille. Encore plus qu’avant. Les incidents se comptent par dizaines chaque semaine. Les usagers les subissent de plein fouet. Tant pis s’ils ratent des avions, des RDV importants, arrivent en retard à leur travail chaque jour ou voyagent dans des conditions indignes, même pour du bétail. Et la direction de l’ONCF ne semble guère s’en soucier. On ne compte plus les sit-in, les réclamations par centaines (auxquelles ils ne répondent jamais), et les articles de presse. Les dirigeants de l’ONCF restent enfermés dans leur tours d’ivoire, laissant leurs employés sur le terrain (dans les gares et trains) subir de plein fouet les foudres des usagers.

Tout au long des derniers mois, l’ONCF a connu des incidents ou accidents, les uns plus graves que les autres, entrainant des perturbations et des dysfonctionnements majeurs :

  • 25 mai 2014 : Un incendie se déclare dans un wagon pas loin de la gare de Rabat Agdal. Probablement dû à un court circuit. Pas de victimes heureusement.
  • 20 aout 2014 : Déraillement d’un train entre Mohammedia et Casablanca, ayant causé la mort d’un cheminot, et plusieurs blessés parmi les passagers
  • 9 avril 2015 : Un incendie se déclare dans un train près de Meknès, entrainant l’intervention des pompiers, et l’arrêt de la circulation des trains sur ce trançon
  • 20 avril 2015: Un train a roulé sans chauffeur, sur une distance de 1,5 Km, alors qu’il transportait des passagers à partir de la gare de Kenitra
  • 30 avril 2015 : Un train est tombé en panne vers Kenitra. De la fumée s’est dégagée de la locomotive, entrainant l’enfumage des passagers, et le blocage total de la circulation des trains navette pendant de longues heures. Des passagers excédés occupent alors la voie à la gare de Temara, pour protester contre les retards interminables. Résultat, le train devant quitter Rabat à 7h30 arrive à Casa Port aux environs de 11h.
  • 12 mai 2015 : La rupture de l’alimentation électrique aux environs de Mohammedia bloque le trafic pendant 3h. Les passagers vivent l’enfer au bord des trains. Sans parler des passagers bloqués dans les gares, et qui ont dû attendre des heures avant l’arrivée de leurs trains.
  • 12 mai 2015 : Un train phosphatier déraille aux environs de Khouribga ne causant aucun dégât humain, mais entrainant des dégâts matériels visiblement importants

Cette liste est, bien entendu, non exhaustive, et a pour seul intérêt de démontrer que le laisser-aller des responsables et employés de l’ONCF a atteint des niveaux sans précédents. Et on ne parlera pas des trains constamment en retard, des climatisations en panne en plein été (et sans possibilité d’ouvrir les fenêtres), des trains surencombrés et insuffisants en heure de pointe… Même les ministres de tutelle, MM. Rebbah et Boulif confirment la dégradation des services de l’Office, mais ne semblent pas s’en soucier plus que cela.

Et puis, parlons des difficultés financières de l’Office. L’ONCF affiche un résultat net négatif de 220 millions de DH au titre de l’année 2014. Cette descente aux enfers ne fait que commencer, en raison de l’arrêt progressif du transport des phosphates de Khouribga à Casa et Jorf Lasfar (avec l’entrée en marche du pipeline OCP) et dont les revenus représentaient ~40% du chiffre d’affaires total de l’Office, de l’endettement massif dû au projet TGV, et avec la subvention à venir des billets TGV qui ne devraient pas dépasser 200 à 300 DH entre Rabat et Tanger (contre un coût réel estimé entre 700 et 1000 DH). Avec tout cela, l’ONCF ne pourra pas échapper à l’avenir à une situation similaire à celle de l’ONEE aujourd’hui : un office avec des déficit abyssaux, et un endettement colossal, incapable de s’en sortir sans plan d’aide publique massif. Plusieurs acteurs avaient pourtant levé l’alerte sur ce projet inutile, inefficient et surtout, très défavorable financièrement à l’Office.

Pour toutes ces raisons, et par respect aux usagers des trains et aux citoyens marocains, il devient nécessaire que les premiers responsables de cette situation, à savoir M. Rebbah (Président du conseil d’administration de l’ONCF et ministre de tutelle), M. Boulif (co-ministre de tutelle) et M. Khlie (DG de l’ONCF), prennent leur responsabilité, et démissionnent de leur postes respectifs. On trouvera bien plus compétents qu’eux.