Importante mise au point : Plusieurs organes et agences de presse (AFP, Reuters…) ont rapporté que le coût total du TGV Tanger-Casablanca était de 33 milliards de DH. De son coté, la MAP avance un chiffre de 20 milliards pour toute la ligne TGV Tanger-Casablanca. Sur le site de l’ONCF, l’office précise que le coût les 20 milliards de DH ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra, et que la mise à niveau du trançon Kénitra – Casablanca pour permettre la circulation du TGV sera financée par une partie du contrat programme avec l’Etat dont le montant global s’élève à 13 milliards de DH. Une information plus précise vient d’être rendue publique le 30 septembre dans la note d’information publiée par le CDVM accompagnant l’émission obligataire d’un montant de 1,5 milliards de l’ONCF. Cette note nous confirme (pages 132 à 134) que les 20 milliards ne concernent que le trançon Tanger – Kénitra. Elle précise également que les travaux de mise à niveau de la ligne de Kénitra – Casablanca devraient coûter 4,5 milliards de DH et que la mise à niveau des gares (sans préciser lesquelles) devrait coûter 730 millions de DH. On est donc en mesure aujourd’hui, de confirmer que la ligne TGV Tanger-Casablanca ne coutera pas 20 milliards de DH, mais un montant compris entre 20 et 25,2 milliards. La note d’informations du CDVM pouvant être considérée comme fiable, on peut aujourd’hui confirmer que le montant avancé par la MAP est sous-estimé, et que celui avancé par l’AFP et Reuters est surestimé. Je présente mes excuses aux lecteurs de ce blog qui ont pu être induits en erreur par le chiffre initialement avancé de 33 milliards de DH comme coût de la ligne TGV Tanger – Casablanca. Ceci dit, cette mise au point n’enlève rien à la pertinence du débat sur l’utilité même de ce projet.
Cette semaine devrait avoir lieu à Tanger la cérémonie de pose de la première pierre du projet de ligne à grande vitesse destinée à accueillir le TGV Tanger-Casablanca. Ce projet lancé à la surprise générale en octobre 2007 lors de la visite de Nicolas Sarkozy au Maroc, continue de susciter beaucoup de débat concernant son utilité, mais aussi sur son coût exorbitant.
Le coût du projet avancé jusque là était de 20 milliards de DH, soit un peu moins de 2 milliards d’euros. Et au début de ce mois-ci, une autre surprise attendait le contribuable marocain : le coût prévisionnel du projet n’est plus de 20 milliards, mais bien de 33 milliards de DH (~3 milliards d’euros) ! Oui , vous avez bien lu, une augmentation de 13 milliards de DH (plus d’un milliard d’euros), soit 65% d’augmentation, sans qu’aucune explication ne soit fournie!
Comment se fait-il qu’un montant aussi exorbitant soit resté prisonnier des tiroirs administratifs, et qu’aucune information n’ait filtré dessus, jusqu’au moment du lancement effectif par les deux chefs d’états. Comment se fait-il qu’aucune discussion n’ait eu lieu au parlement, censé représenter le peuple marocain, dans un projet aussi exorbitant et engageant pour les finances de l’Etat marocain? La nouvelle constitution tant vantée par le Makhzen ne permet-elle pas un contrôle accru des représentants du peuple sur les finances publiques?
Ne soyons pas naïfs. Il existe une catégorie de projets sur lesquels les parlementaires et les ministres n’ont aucun droit de regard. Des projets tombés d’en haut. Exécutez, trouvez du financement, et venez présenter sur un tapis rouge. De préférence devant beaucoup de caméras. Quid des règles de base de gouvernance économique, des études d’utilité, de rentabilité et d’impact socio-économique, de l’état des finances publiques? Quelle hérésie!
Pour ce manque de transparence, le Maroc s’est vu infligé un sérieux revers en novembre 2010 devant une grande institution financière. La Banque Européenne d’Investissement a rejeté une demande de prêt du Maroc d’un montant de 400 millions d’euros destinés à financer le projet de TGV. Motif? Le contrat concernant les rames TGV n’a fait objet d’aucun appel d’offres, et été octroyé de gré à gré à Alstom. L’Allemagne n’a pas du tout apprécié, et aurait souhaité que d’autres constructeurs (Siemens par exemple) participent à un appel d’offres. Face à ce trou de financement, le Maroc a été obligé de “solliciter” les monarchies du Golfe pour des “dons” visant à boucler le financement de ce gargantuesque projet.
Une question se pose avec insistance. Les finances publiques marocaines connaissent de sérieuses difficultés, de l’aveu même de notre porte parole national préféré. Un déficit budgétaire de 6% est à prévoir pour fin 2011. Et avec le nouveau ralentissement de l’économie mondiale et la crise de la dette européenne, les choses ne devraient pas s’améliorer de sitôt.
Pourquoi ne pas prendre exemple sur l’Argentine, pays pourtant beaucoup plus riche que le Maroc? Le pays avait prévu de construire une ligne de 750 Km entre Buenos Aires et Cordoba pour un coût de 1,35 milliards de dollars, soit un coût 6 fois inférieur à celui du TGV Tanger-Casablanca (3 milliards d’euros pour 350 Km)! Malgré ce coût relativement raisonnable, le pays a suspendu le projet face à des problèmes de financement et de rationnement des dépenses de l’Etat.
Au Maroc, de tels projets sont très rarement remis en cause, peu importe l’état des finances publiques, et du vrai impact de ces projets sur la vie des marocains. On les mets devant le fait accompli, et en cas de déboires, le contribuable marocain passe à la caisse.
Mais revenons 100 ans en arrière. Rappelez vous de la première décennie du XXe siècle. Un certain sultan My Abdelaziz, fan de gadgets venus d’Europe avait fait installer un train dans son palais de Fès (cf “Morocco That Was“, Walter B. Harris, 1921). Ses caprices ont fait l’affaire des marchands européens qui n’hésitaient pas à lui dénicher les gadgets les plus originaux et le lui revendaient au prix le plus fort. Les caisses de l’Etat furent rapidement vidées et les puissances européennes ne pouvaient que s’en réjouir. Quelques années plus tard, le traité de protectorat franco-espagnol fut signé.
Quand on voit l’humiliation que subit aujourd’hui le peuple grec face à sa crise de dette, la déroute où l’ont mené des politiciens sans scrupules, et aux pressions sans fin de ses créanciers, on espère juste que l’histoire ne soit pas un éternel recommencement pour le Maroc…
Articles de presse parlant du budget initial de 20 milliards en 2010 :
Quelques liens :
- Mon précédent article sur le sujet : TGV au Maroc, à quoi bon?
- Larbi : “Monsieur Sarkozy, votre TGV est un racket économique”
- Elephants blancs, Kingstoune
- Challenges : Le succès du TGV français n’a d’égal que le gouffre de ses finances
- The Economist : The great train robbery
Très bonne analyse que je partage entièrement! Et voilà une réponse à ceux qui ne comprennent pas la nécessite d’impliquer le peuple dans les décisions politiques!
Ce contrat fera peut-être l’affaire de l’oligarchie (et encore…) mais ne rendra certainement pas service à 99% de la population qui aurait eu intérêt à employer cet argent dans l’éducation ou la santé par exemple, secteurs primordiaux pour une qualité de vie meilleure de tous les marocains, et qui manquent cruellement de moyens!
Les 13 milliards de DH restants seront dédiés au programme général de développement et de mise à niveau du réseau existant. Il s’agit notamment du triplement de la ligne Casablanca-Kénitra, pour lequel 4,5 milliards de DH seront mobilisés. L’opérateur ferroviaire prévoit également un doublement partiel de la ligne Settat-Marrakech. Un projet dont le budget s’élève à 600 millions de DH. Il est également question de procéder à l’électrification des lignes Fès-Oujda et Taourirt-Nador. Le montant de l’investissement s’établit à 900 millions de DH. En outre, une enveloppe budgétaire de 730 millions de DH sera dédiée à la modernisation des gares ferroviaires. Un nouveau concept sera d’ailleurs décliné à Tanger, Kénitra, Rabat-Agdal et Casa-Voyageurs pour accueillir le futur TGV. L’Office est également engagé dans l’aménagement de nouvelles plateformes logistiques, notamment à Zenata, Fès, Marrakech, pour un montant de 500 millions de DH. Au programme également la modernisation de la signalisation et des installations de sécurité pour un montant respectif de 500 millions et 630 millions de DH.
Bonnes questions, Si Omar.
Le billet discute des coûts (qui ne restent que des estimations pour le moment), mais avant d’en juger, il faudrait les comparer à ce que ce projet aura comme impact sur l’emploi, le tourisme et l’économie. D’où l’importance des études de faisabilité et de rentabilité économique ou de l’impact socio-économique d’un tel projet, et plus encore, de la communication des résultats de telles études pour informer et convaincre les citoyens de l’intérêt des dépenses et de l’effort budgétaire qui seront consentis sur une longue période pour sa réalisation.
L’octroi de ce projet aux français sans appel d’offres a mécontenté également les espagnols et avait probablement précipité la visite de Juan Carlos à Mélilia à une date qui coïncidait avec la fête d’Al Massira peu après l’annonce du projet. Du point de vue diplomatique, la décision d’offrir le marché aux français n’était pas la meilleure façon de procéder. Par ailleurs et du côté économique, on ne peut que s’interroger sur le surcoût qu’implique le fait de ne pas avoir fait jouer la concurrence entre les européens et peut-être les asiatiques.
A défaut de renoncer au projet et avec le contexte de la crise économique qui affecte l’Europe et la France davantage, le Maroc devrait plutôt négocier une réduction substantielle du coût du projet. Avec les mouvements sociaux dans les pays arabes, menacer d’y renoncer serait très crédible.
Pour finir, quand on sait que dans des pays riches comme les USA et le Canada, on n’est pas convaincu de l’intérêt des LGV, on voit mal comment ce projet pourrait être rentable au Maroc à tous les points de vue. Le projet de TGV au Maroc est un projet qui va servir avant tout la France et c’est pour cela que Sarkozy a pu vendre l’idée aux marocains et que la France assure une bonne partie du financement. C’est la pression française qui est à blâmer en premier.
D’un point de vue personnel, sans information sur les études relatives au projet et en fonction de l’actualité politique, je considère ce projet comme une erreur puisqu’il s’agit de toute apparence d’une dépense de luxe alors que le pays n’a jamais été dans une situation de se le permettre, encore moins aujourd’hui.
Il faut voir aussi la question de l’humiliation subie par le transfert d’une décision souveraine d’investissement et la remettre aux français!
Justement, je me pose la question, est ce que vraiment le Maroc a besoin d’un TGV et le pire c’est qu’une transaction et d’une telle envergure ait lieu sans Appel d’offre !!
Le Maroc, premier pays africain et arabe à se doter du Train à Grande Vitesse (TGV)
En ce jeudi 29 septembre 2011 à Tanger, il sera inauguré par le Président de la République Française, Monsieur Nicolas Sarkozy, et par le Roi du Maroc, Sa Majesté Mohammed VI, le grand chantier ferroviaire de la ligne à grande vitesse devant relier en 2015 Tanger- à Rabat puis Casablanca.
Cette ligne ferroviaire complètera ainsi le réseau autoroutier marocain et ce dans le cadre d’un important chantier de projets de développement des infrastructures du Maroc, dont celui de Tanger-Med, immense pôle industriel et portuaire. Appelé à devenir le nr 1 au niveau africain.
Ce chantier prouve également l’excellence des relations économiques entre la France et le Maroc et la présence du Président français à son coup d’envoi traduit également le soutien de la France aux réformes politiques engagées par le Roi du Maroc.
Il est clair, que nombre de personnes, économistes, politiques et intellectuels critiquent le projet du TGV, il me semble que l’expérience nous a montré que de nombreuses infrastructures ont commencé par subir une telle levée de boucliers et pourtant nous sommes bien contents de les avoirs réalisées.
Pour ceux qui ont la mémoire courte, rappelons la politique des barrages, le réseau autoroutier, la grande mosquée de Casablanca. Que d’experts se sont par exemple penchés sur les risques d’envasement des barrages et leur manque d’équipements en aval. Le concept de créer la première autoroute Casa-Rabat avec péage a également été combattu.
Tout le monde reconnaît aujourd’hui l’importance des barrages malgré leurs problèmes de maintenance, tout le monde est fier de rouler sur nos autoroutes et imaginez un seul instant ce qu’aurait pu être Casablanca sans la mosquée Hassan II.
Alors pour tous les sceptiques, disons-nous que dans quelques années les marocains serons aussi fiers d’avoir le TGV Tanger-Casa, le Tramway de Rabat et celui de Casablanca.
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De plus, si l’on excepte son récent déplacement à Tripoli et Benghazi, la visite de ce jeudi 29 septembre 2011 au Maroc sera la première du Président Sarkozy dans un pays arabe depuis le début de la vague démocratique dite des printemps arabes.
Le Maroc n’a pas connu de situation comparable aux révolutions populaires qui ont entraîné la chute de Zine Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte ou la révolte armée contre le régime de Mouammar Kadhafi en Libye. Mais il est engagé dans une transformation non moins significative, et pourrait être une source d’inspiration pour d’autres pays arabes, et du Moyen Orient en particulier.
Enfin, et pour conclure, Monsieur Nicolas Sarkozy et le Souverain marocain devraient évoquer la question du terrorisme et la question l’Union pour la Méditerranée (UpM), paralysée par le conflit israélo-palestinien.
En vous demandant de bien vouloir publier et diffuser ce papier. Une réponse par courriel à cette requête serait appréciée. Farid Mnebhi.
Il faut aussi prendre en compte les aides au financements: la France conditionne une aide a son utilisation. En fait c’est un moyen deguise de la France de subventionner ses societes. On donne de l’aide on impose son utilisation dans tel ou tel secteur. Donc si c’est une aide francaise le Maroc ne va pas choisir Siemens …
Les americains font la meme chose avec l’USAID ils subventionnent leurs agriculteurs en leur achetant du ble au prix fort qu’ils donnent aux pays pauvres.
Toute la question réside en l’utilité du TGV ?
Ce mode de transport en France n’a eu que des effets pervers , le temps mis pour aller de Paris à Marseille est moins long que celui mis pour effectuer un trajet de 200 km en transversal…
De plus nombre de clients potentiels se sont tournés vers les vols intérieurs moins chers et plus rapides…
Il serait sans doute plus intéressant de développer les lignes conventionnelles , celles qui permettent à tout un chacun des déplacements de proximité…j’imagine mal l’intérêt d’un habitant de l’Atlas à pouvoir se rendre de Tanger à Casa en TGV pour vendre sa production !
Pourquoi un TGV de Tanger à Casa? a quoi bon gagner une ou deux heures à faire le voyage…pour perdre ce temps gagné une fois arrivé…? et puis notre gestion du temps est encore trop folklorique…si un TGV s’en mêle maintenant!
Un petit segment de vitesse dans un désert de retard!
Il me semble que Sarkozy ne fait jamais d’appels d’offre… Quand à ce TGV… moyenne du km de ligne TGV : 10M€, soit pour les 330km Tanger/Casablanca, 3,3 Milliards€ (ici le projet est de 1,8 milliards€, gag ?)… prévision de 6 millions de voyageurs/an…. 3300 millions/6millions=550€ le ticket si on paye tout en 1 an… 55€ en 10 ans… et 11 € (prix actuel du billet si les voyageurs continuent a trouver leur bonheur dans ce TGV pendant 55 ans ! mais avec le sable et l’usure… faut pas rêver.
Ou est l’erreur dans ce calcul ???
si omar ,
tu ne dois pas confondre le budget consacré a la réalisation de la LIGNE A GRANDE VITESSE (1,8 milliards d’euros) et le budget pour le renforcement et la rénovation des lignes ferroviaires existantes (…)
A bon entendeur !
Personnellement, depuis qu’on parle de ce TGV, j’ai toujours lu et entendu le chiffre de 33 milliards de DH (~3 milliards d’euros.)
Je n’ai pas l’impression que ce TGV soit un caprice de quiconque. Relier le grand pôle industriel, actuel,CASA-RABAT au futur pôle, celui de TANGER, en environ 2h n’est pas anodine. Limiter ce coût à la seule ligne TGV est réducteur. Il ne faut pas oublier le transfert de technologie.
Il faudrait peut-être mettre à jour le billet pour tenir compte de l’info suivante (voir tweet et lien):
http://twitter.com/#!/mdrissi/status/119696918795403264
Coût total #TGV 33MM: nouvelle ligne 220km Tgr/Kenitra 20MM + modernisation liaisons Kenitra/Rbt/Casa 13MM (Reuters)
http://t.co/qDfZZp7s
Dans la communication initiale, on avait apparemment avancé le coût uniquement de la ligne Tanger-Kénitra. Si c’était volontairement, alors c’était probablement pour mieux faire passer la facture. Le coût additionnel de 13 milliard reste associé à ce projet et devait être communiqué.
Ceci étant dit, cela ne change en rien les interrogations du billet.
Oui vive notre roi. On est tous d’accord et derrière lui.
Benkirane réveil toi :
Ce projet est une très mauvaise décision: ce projet va nous couter très cher, ( et c’est en plus des crédit en devise!) : 20 Milliard de DH soit 2.000 milliard de centimes!! prévisionnel
Je suis absolument pas contre les investissements dans les infrastructures..mais je suis contre le faite que la France vient nous imposer un projet draconien non nécessaire pour le Maroc, même que quelques profiteurs de ce projet veulent nous faire croire qu’il s’agit d’une nécessité socio-économique ..bla bla bla comme l’ONCF prétend.
Pourquoi nécessaire ?? Il y’a déjà une ligne sous-exploitée Tanger-Casablanca, en raison de 1 train chaque 2 heures !! . oú est ce demande en transport ferroviaire dans cet axe?
Donc 2.000 milliard juste pour relier Tanger a Casablanca en 2h :10 m (donc une vitesse moyenne de 140km/h?! désolé mais je voix pas la nécessité ici.
Qui vont profiter du TGV? en première lieu les entreprises impliquées dans ce projet TGV… La France (ses entreprises) et les bureaux marocains en charge de la réalisation de ce projet (les directeurs corrompus qui vont sortir très riche de cette expérience).
Il fallait investir dans la connexion multimodales (des bus, taxi avec les trains, metro) au lieu de ce projet tgv. Investir dans un métro a Casablanca ou dans l’aménagement de tous les routes nationales de notre pays !!!
Ce projet est une honte !